Sardine, poulpe, thon... Hassan Sentissi passe en revue les différents secteurs en revendiquant, dans le cadre du plan pélagique, le droit d'accès à la ressource. ALM : Qu'en est-il du plan d'aménagement de la pélagique ? Hassan Sentissi : Depuis novembre 2005, nous attendons une décision ferme et définitive. Le plan pélagique était prévu en mars. Nous sommes déjà en juin. Ce décalage par faute d'une prise de position est en train d'envenimer les choses. L'année risque d'être blanche si nous ne décidons pas de sortir ce plan d'aménagement aussi boiteux qu'il soit. Pourquoi boiteux ? Le plan est en deçà des attentes de toute la communauté des transformateurs et ce depuis six ans. Le Maroc a perdu plus d'un milliard de dollars à cause de cette situation (cherchez le responsable). Tel qu'il est présenté aujourd'hui, le plan ne reflète pas nos attentes, notamment sur le problème de l'accès à la ressource. On a toujours essayé de nous refuser l'accès à la ressource pour des raisons qui ne «tiennent pas la route». Et ce parce que le lobby des armateurs a de tout temps menacé de ne pas pêcher si on nous accorde ce droit. C'est incompréhensible. Jusqu'ici, personne n'a imaginé que nous aussi, nous pouvons entrer en grève, en refusant d'acheter le poisson de la flotte côtière. D'ailleurs, cette matière première, nous la payons plus cher que les prix pratiqués dans plusieurs pays exportateurs de poissons. La situation actuelle du secteur, marquée par les conflits d'intérêt, ne nous intéresse pas. Ce n'est pas bon pour le pays. Mais avez-vous en tant que transformateur et industriel une solution à cette crise ? Nous avons formulé il y a longtemps une proposition concrète, en produisant un programme d'aide aux armateurs de la flotte côtière. Ce plan prévoit de leur attribuer un prélèvement sur nos activités jusqu'à hauteur de 25 millions de dirhams annuellement. Cette enveloppe sera utilisée dans le cadre d'un partenariat. Il s'agit d'une bonne solution pour dépasser la problématique de l'accès à la ressource. Le blocage actuel est une perte de temps. Nous avons peu travaillé durant le premier semestre. Nous interdire l'accès à la ressource serait un handicap pour l'industrie de la pêche. Comment donc peut-on dépendre d'une flotte qui ne peut pas travailler au moindre coup de vent ? Tout de même, si on vous accorde ce droit, l'effort additionnel qui en résulterait pourrait encore aggraver l'état des ressources ? Soyons clairs. Nous ne voulons pas du stock A et B. Nos revendications concernent seulement le stock C qui n'est pas menacé à ce que je sache. Au contraire, dans cette zone, la sardine est vieillissante et il faut la chercher loin. Par ailleurs, si nous pouvions acquérir le poisson à un prix raisonnable, nous n'allons pas affréter des bateaux. Qu'est-ce qu'il faut défendre de ceux qui investissent pour acquérir des bateaux et de ceux qui affrètent ? La plupart des investissements dans la flotte côtière datent d'il y a trente ans. Au rythme où va le programme de modernisation, il faudrait dix ans pour réaliser la mise à niveau. Donc, l'industrie de pêche aura largement le temps de mourir. Il y a des décisions stratégiques à prendre. Je pense que le ministre de tutelle devrait trancher. C'est un problème qui n'a pas forcément besoin de l'arbitrage du Premier ministre. Tout d'ailleurs comme le plan de reconversion du poulpe. Concernant le poulpe, la politique mise en place est-elle efficace ? Ecoutez, il y avait un plan de reconversion qui était simple. Ceux qui voulaient quitter ce créneau pour pêcher d'autres espèces en dehors de la crevette étaient appelés à déposer des demandes. Mais sur les principales demandes présentées pour le pélagique, seules six ont eu gain de cause. Faut-il attendre le Messie pour les autres ? C'est une décision prise par l'ancien ministre. Et cette crise de thon, un nouveau front ? Le Maroc a un quota de 3000 tonnes pour cette espèce. La manne n'a jamais été utilisée. Cette année, trente dossiers ont été déposés. Huit demandes ont été satisfaites sur la base de la présentation. Mais le quota attribué par personne, 150 tonnes, est trop faible, ne permettant pas d'industrialiser l'activité. L'accès à cette pêche est conditionnée par la mise en place de fermes d'aquaculture sur le littoral méditerranéen. Le ministère de tutelle, qui a fait une bonne avancée sur ce dossier, devrait aller plus loin en présentant un plan d'aménagement pour le thon. Sur notre façade maritime méditerranéenne, il y a actuellement 14 madragues qui pêchent. Le reste est constitué par des bateaux non professionnels, qui congèlent à bord et vendent directement le thon pêché à 1 euro. Avec les fermes aquacoles, le poisson pêché est entraîné dans l'élevage, élevé jusqu'à maturité avant d'être vendu entre 25 et 30 euros. La plus-value est importante.