La ministre espagnole de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation a exprimé, lundi, sa "satisfaction" après l'accord des Européens sur la répartition des licences de pêche dans les eaux marocaines. L'accord de pêche signé entre le Maroc et UE fait le bonheur (encore incomplet) des officiels espagnols. Alors que les autres membres de l'UE tergiversent toujours sur les modalités procédurales de la ratification de cet accord, le jeu de répartition en interne est déjà entamé. Vendredi, un accord sur la répartition des licences de pêche dans les eaux marocaines a été conclu et qui bénéficie en grande partie aux pêcheurs espagnols, notamment andalous avec pas moins de 95 licences sur 119 que prévoit l'accord avec le Maroc. Selon le nouveau règlement adopté par le comité des représentants permanents des 25, la France a obtenu 10 licences et le Portugal 14. Pour les autorités de Madrid, il s'agit bien d'un double exploit. Interne d'abord. Six ans après avoir quitté les eaux marocaines, la perspective pour les pêcheurs espagnols d'y retourner pêcher constitue une bouffée d'air non négligeable pour un secteur stratégique. Dans des déclarations à Valence (est de l'Espagne), la ministre espagnole de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, Elena Espinosa n'a pas manqué de souligner dans ce cadre « le rôle de l'Espagne dans la reprise des négociations de pêche avec le Maroc. » Elle a relevé que « si ces relations (entre le Maroc et l'Espagne) n'ont pas été reconstruites, il aurait été impossible pour l'UE de négocier» cet accord de pêche, « étant donné que l'Espagne est le premier pays intéressé». On ne l'a contredit pas. Dans cette affaire, les officiels espagnols ont brillé par une lucidité exemplaire. Preuve à l'appui, la responsable espagnole a rappelé tout le dispositif d'accompagnement que Madrid a déployé pour faire aboutir les négociations: signature d'un accord bilatéral avec le Maroc ayant trait à la recherche, la formation et le conseil dans le domaine de la pêche. Mais aussi, et comme l'a bien noté la responsable espagnole, les campagnes de bateaux océanographiques espagnols pour appuyer le Maroc dans ce domaine. Mais l'offensive espagnole ne s'est pas limitée en direction de son voisin du Sud. Au niveau communautaire, les Espagnols ont bataillé dur pour arracher l'adhésion de leurs partenaires, allant jusqu'à critiquer ouvertement ( et non sans délicatesse ) certains de leurs homologues européens. Cet acharnement s'est illustré dans la violente prise de position des Ibériques dans la récente polémique autour de la ratification de l'accord de pêche au sein de l'UE. Dans son édition de jeudi dernier, le journal El Pais a rapporté que plusieurs diplomates espagnols en poste à Bruxelles sont allés jusqu'à qualifier de "mesquine" l'initiative de la Suède et de plusieurs pays nordiques de l'UE pour bloquer l'entrée en vigueur de l'accord de pêche si le Maroc ne fait pas mention du reversement d'une partie des recettes aux «populations sahraouies ». Des pays, expliquent-ils, qui n'ont aucun quota de pêche mais qui doivent financer le Maroc à travers le budget communautaire", ajoute El Pais. Rappelons ici que l'Espagne est fortement appuyée par la France qui considère qu'une telle initiative ( celle des Nordiques) met en danger l'accord. Cet épisode illustre dramatiquement les profondes divergences d'intérêts entre les pays de l'Union. Pour rappel, l'accord Maroc-UE prévoit l'accès aux eaux marocaines de 20 bateaux de pêche pélagique, 20 palangriers de fond de moins de 40 tonnes pour la pêche artisanale dans le Nord et 20 bateaux pour la pêche artisanale dans le Sud, auxquels s'ajouteront 7 palangriers de fond, 11 chalutiers et 17 bateaux de pêche à la ligne. L'accord prévoit, en outre, une quantité supplémentaire de 60.000 tonnes de pêche pélagique industrielle, dont 1.333 tonnes reviennent à la flotte espagnole. Une manne que les Espagnols ne sont pas prêts à sacrifier pour satisfaire l'excès de zèle procédural de leurs voisins nordiques. Madame la ministre a tenu de le rappeler à sa manière.