Noureddine Ayouch, Mohamed Lemrini, Abdessamad Belkébir et bien d'autres se sont chargés de la besogne de dédouaner le PJD. Alibis souvent appelés au secours : Islam et intérêt suprême du pays. Depuis au moins l'été dernier, on sera en présence de multiples sorties médiatiques toutes favorables à davantage d'implication des islamistes dans la gestion des affaires du pays et au plus haut niveau de décision. Pour certains, il est même question de sauver le Maroc et relever les défis du développement, manière de mieux faire passer la pilule. La tribune de prédilection est toujours la même, "Attajdid", le porte-parole officiellement officieux des amis de Saâd Eddine El Othmani. Le 24 août 2005, l'on aura droit à la plus inattendue des sorties médiatiques et dont l'auteur n'est autre que Noureddine Ayouch, membre du Collectif Démocratie et Modernité et patron de Zakoura et de Shem's. Ce dernier affirmait qu'il était "convaincu qu'il est temps pour toutes les composantes de reconnaître que le PJD dispose de grandes compétences et par conséquent accepter de travailler à ses côtés en formant un gouvernement solide" avant d'enchaîner que "le PJD a fait preuve, ces derniers temps, d'une volonté indéniable de communication et de dialogue". "Sincèrement, je dis que le PJD est le seul parti capable de mener à bien cette mission et c'est pour cette raison que je le respecte", ajoute encore M. Ayouch en parlant du nécessaire engagement des jeunes en politique. Le lundi19 décembre 2005, c'est une autre interview qui défraie la chronique. Publiée sur le même "Attajdid", c'est Mohamed Lemrini, membre du bureau politique de l'USFP qui y plaidait pour une alliance historique (USFP, Istiqlal et courants à référentiel islamique). Pour Mohamed Lemrini, c'est de cette alliance que dépendront l'avenir et le développement du Maroc. Et plus, pour dire que le Maroc doit s'inspirer du modèle turc. « J'attire l'attention à l'expérience turque (...). Cette expérience est très importante et, au Maroc, nous devons l'examiner et en profiter », affirmait l'un des architectes de l'absorption du PSD par l'USFP. Cet entretien n'est pas passé sans susciter une polémique au sein des instances de l'USFP. Surtout que M. Lemrini n'aurait pu se prononcer de la sorte sans le feu vert de la hiérarchie du parti et notamment d'un Driss Lachgar qualifié par plusieurs socialistes de «parrain» de l'ex-PSD. Quelques jours plus tard, c'est Abdessamad Belkébir qui remettait une autre couche lors d'un colloque à Settat. L'ex-secrétaire général-adjoint du PSD ne s'arrêtera pas à ce stade et s'épanchera plus dans un entretien accordé à la publication intégriste le 16 janvier 2006, soit deux jours avant la publication de la fameuse feuille de route (voir en P.4). M. Belkébir va encore plus loin que Mohamed Lemrini pour appeler clairement à une collaboration entre l'USFP, le parti de l'Istiqlal et le PJD pour "réussir la transition démocratique". Laquelle transition, ajoute-t-il, ne saurait aboutir si elle se fait aux dépens des islamistes. L'ex-PSD affirme que la gauche a tendu la main, au début de cette transition, à Driss Basri. Pourquoi alors ne pas faire la même chose avec les islamistes?! Y compris Al Adl Wal Ihsane dont les positions ne seraient que des "réactions défensives", à en croire Abdessamad Belkébir qui dit qu'il va continuer sa bataille contre les extrémistes de gauche et qui tire à boulets rouges sur les nouveaux partis. La tendance au débat politique avec le PJD existe au sein de l'USFP, ajoute celui qui dit ne pas voir de différences entre un parti islamiste et un parti de gauche et qui considère qu'il n'y a pas de contradiction à adhérer à l'un ou l'autre.M. Belkébir sera même l'auteur d'une rectification des propos de Mohamed Lemrini qui aurait été victime d'incompréhension. Pour lui, il ne faut pas parler, dans le contexte marocain actuel, d'alliance historique, mais d'"entente" entre libéraux, islamistes et socialistes pour gagner les "batailles positives". L'ex-patron en second du PSD lance même une offre au PJD. Ce dernier, n'étant toujours pas prêt à gouverner, il ferait mieux de pousser ses électeurs à voter USFP ou PI dans les circonscriptions où il ne présenterait pas de candidats comme il l'a fait, de manière "sage", lors des deux dernières échéances électorales. Loin semble être le temps où un Habib Fourkani s'attirait les foudres des bases et de la hiérarchie pour ses prises de position. Aujourd'hui, l'USFP a trouvé des "ralliés", et pas des moindres, pour ses nouveaux desseins...