Le dernier film de Farida Belyazid, «La Juanita de Tanger», a été accueilli favorablement par le public. Dans ce film, la réalisatrice tangéroise revisite l'âge d'or de sa ville natale. Un bel hommage à la «perle du Nord». Plusieurs films ont été réalisés sur Tanger, mais rares sont les réalisateurs à avoir pu rendre à cette ville mythique ce qui lui appartient. Farida Belyazid fait partie de cette catégorie des réalisateurs qui ont incontestablement réussi à le faire. Née le 10 mars 1948 à Tanger, cette cinéaste a montré, à travers son film «La Juanita de Tanger», qu'il faut d'abord avoir une bonne connaissance de l'histoire de cette ville pour en parler. Le regard qu'elle a porté sur cette ville n'est pas biaisé, ce regard est celui d'un témoin qui a accompagné l'évolution de cette ville, depuis son époque internationale jusqu'à aujourd'hui. Dans son film, projeté en avant-première à la salle «Roxy» de Tanger, la ville du détroit est abordée de manière à faire ressortir fidèlement ce qui faisait sa force à la fin de la deuxième moitié du XXème siècle: son cosmopolitisme. La majorité des nationalités y sont représentées : «Juanita», de père anglais de Gibraltar et de mère andalouse, nous raconte ses peines et ses rêves ainsi que la vie des femmes qui l'entourent : sa sœur Helena qui cherche sa liberté, Esther, son amie juive qui dédie sa vie à une histoire d'amour impossible et Hamrouch, la fidèle domestique impeccablement interprétée par l'actrice Salima Ben Moumen. Preuve de la tolérance que représentait Tanger, la nationalité des uns et des autres n'est ici évoquée que comme richesse. «Juanita», héroïne du film, incarne d'ailleurs une double appartenance (Espagne et Grande-Bretagne), au même titre qu'Esther, une Juive qui assume parfaitement sa religion tout en revendiquant son identité marocaine. Dans le film, le rapport entre ces protagonistes est loin d'être conflictuel. «Hamrouch», prédisposée au service de « Juanita », ne trouve aucun problème à danser avec son employeuse. «Juanita», ou encore «Esther», peuvent facilement chanter en dialecte marocain. Bref, la symbiose est parfaite. Seule «ombre» au tableau, le conservatisme de «Juanita» et son différend avec sa sœur «Helena» qu'elle traite de «puta» pour la simple raison qu'elle flirte avec un homme. Mais passons, en dehors de la différence de races, de religions ou de cultures, c'est la beauté de Tanger qui apparaît dans toute sa splendeur. Contrairement à d'autres réalisateurs, Farida Belyazid a reconstitué fidèlement le décor de Tanger des années cinquante. Dans «La Juanita de Tanger», on redécouvre avec curiosité une architecture où les fresques arabo-musulmanes tutoient des motifs espagnols. Par souci de vraisemblance, la réalisatrice a également mis en circulation des voitures typiques à l'époque précitée. Loin de la ville, et plus proche des paysages de Tanger, on peut admirer la magie du coucher de soleil dans le large et de belles ouvertures sur les reliefs d'une nature qui apporte joie et sérénité. Récapitulons : respect de l'histoire de Tanger et du critère de la vraisemblance, simplicité du récit, bonne direction des acteurs (Salima Ben Moumen a été distinguée prix du meilleur second rôle au huitième FNF) et une réalisation qui confirme Farida Belyazid dans sa place privilégiée au sein du gotha des meilleurs réalisateurs marocains.