Un phénomène rarissime s'est produit à la Cour d'assises de Paris. Le procureur général, Yves Bot, vient de réclamer l'acquittement des six accusés de l'affaire d'Outreau exprimant ses "regrets" pour cette "véritable catastrophe". «Sans précédent», «rarissime» ou encore «historique». Ce sont là les qualificatifs employés par la presse de l'Hexagone pour désigner le mea culpa prononcé mercredi dernier par le procureur général de Paris et par l'avocat général dans l'affaire d'Outreau. Ce gigantesque procès de pédophilie qui a secoué l'opinion publique française et qui a fini par remettre en cause le fonctionnement des institutions judiciaires françaises. Le procureur général de Paris, Yves Bot, est venu réclamer mercredi en personne l'acquittement des six accusés de cette affaire de pédophilie devant la Cour d'assises de Paris exprimant ses "regrets" pour cette "véritable catastrophe". L'avocat général avait lui requis l'acquittement des six accusés du procès en appel de l'affaire de pédophilie d'Outreau. «Je crois que de toutes les accusations qui étaient portées contre les six accusés on ne peut rien retenir que je ne suis pas là pour faire condamner des innocents», a estimé Yves Jannier dans son réquisitoire. Les avocats de la défense ont annoncé qu'ils renonçaient à plaider et ont demandé une minute de silence à la mémoire de François Mourmand, mis en cause dans cette sordide affaire de viols et d'incestes et qui s'est suicidé en prison avant le premier procès de Saint-Omer en 2004. Le ministre de la Justice, Pascal Clément, doit s'exprimer immédiatement après le verdict attendu jeudi. Évoquant le «dysfonctionnement majeur, catastrophique de l'institution judiciaire», M. Bot a déclaré qu'il n'était «pas question de ne pas examiner les responsabilités individuelles» dans ce dossier où tout le fonctionnement serait passé au crible, «à chaque articulation des différents services». «Outreau, regrets éternels », s'exclame le journal socialiste «Libération». La justice s'est trompée et elle « reconnaît ses fautes », a titré «Le Figaro». Faut-il sanctionner les juges ? Pour le quotidien conservateur, « l'affaire d'Outreau et quelques autres plaident pour un changement de régime. Il faut rappeler les magistrats à leurs responsabilités car, parfois le corporatisme prend le pas sur l'intérêt général». L'affaire d'Outreau avait débuté en décembre 2000. À l'époque, les services sociaux de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) avaient signalé des soupçons d'abus sexuels sur des enfants par leurs parents à Outreau. En février 2000, Myriam et Thierry Delay, accusés de viols par leurs fils, seront arrêtés. En novembre, six nouveaux suspects seront arrêtés, dont un huissier et son épouse, un chauffeur de taxi et un prêtre-ouvrier. Une vingtaine d'enfants victimes sont identifiés, dont ceux de trois couples mis en examen. C'est en mai 2004 que le procès va s'ouvrir. Soumis à une forte pression médiatique, le magistrat Fabrice Burgaud, va faire toute la pression pour avoir des aveux. C'est là où deux des principales accusées Myriam Delay et Aurélie Grenon avouent les viols et impliquent les autres accusés. Le 10 mai, le procès connaîtra un véritable coup de théâtre. Thierry Delay avoue le viol de ses enfants après trois ans de dénégations et disculpe tous les autres accusés, sauf sa femme. Huit jours après, Myriam Delay et Aurélie Grenon avouent avoir menti et disculpent 13 des 17 accusés. Finalement, sur 17 accusés, 4 reconnaissent les faits, sont condamnés et ne font pas appel (Myriam et Thierry Delay, Aurélie Grenon et David Delplanque). 13 se disent innocents : 7 sont acquittés et 6 condamnés. Ces derniers font appel. Aujourd'hui, le magistrat Fabrice Burgaud est au cœur des vives critiques de la défense contre les méthodes employées lors de l'instruction. La défense reproche à ce magistrat d'avoir instruit uniquement à charge en refusant des actes d'enquête qui auraient dissipé des charges. Les syndicats de magistrats et les hauts responsables de la hiérarchie judiciaire sont partagés sur d'éventuelles poursuites disciplinaires contre Fabrice Burgaud. Ils soulignent qu'une erreur commise de bonne foi n'est pas, en l'état de la loi, susceptible de poursuites disciplinaires. Une telle procédure porterait atteinte à l'indépendance de la magistrature, disent-ils.