Eric Goldstein affirme qu'il est du devoir de l'IER de s'exprimer sur la coopération, ou non, des autorités pour la recherche de la vérité. Le directeur de recherche de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de HRW estime que le sort qui sera réservé au rapport de l'IER sera capital. ALM : Pourquoi avoir choisi de publier ce rapport maintenant à deux jours seulement de la fin du mandat de l'IER ? Eric Goldstein : D'abord, l'IER a attiré notre attention, mais l'enjeu dépasse le Maroc. C'est la première instance de ce genre dans le Proche-Orient et le Maghreb Arabe. Notre rapport n'est pas un bilan sur l'IER du moment qu'on ignore le contenu du rapport final. C'est plutôt une analyse de la conjoncture actuelle pour faire le bilan de ce qui a été réalisé, évaluer si elle a contribué à consolider un véritable État de droit au Maroc qui était d'ailleurs l'un de ses objectifs déclarés. Il convient aussi de savoir si les autorités marocaines appliqueront les recommandations formulées par l'IER. Apparemment, les violations des droits de l'Homme continuent toujours au Maroc, lesquelles violations sont le fait, comme le reflète l'actualité, des mêmes institutions montrées du doigt pour les abus du passé. N'aurait-il pas mieux valu attendre le rapport final de l'IER pour pouvoir juger sur pièce ? Nous avons l'intention de lire le rapport final et faire un suivi mais, en intervenant maintenant, nous voulions souligner l'importance de la mise en oeuvre des recommandations ainsi que de vraies réformes à même d'empêcher à ce que ces violations ne se reproduisent plus. D'après vous, quel a été le principal manquement de l'IER lors de ses deux années d'existence ? On ne peut parler de cet aspect des choses avant d'avoir lu le rapport final de l'IER et évalué le sort qui lui sera réservé, mais on a tenu à souligner certains éléments qui nous paraissent d'extrême importance. D'abord, l'instance n'est pas dotée d'un pouvoir de contrainte pour s'assurer une pleine coopération des divers pouvoirs et autorités de l'Etat dans sa mission de recherche de la vérité. Est-ce que cela va entraver la recherche sur le sort des disparus et élucider enfin tous les cas qui s'y rapportent ? On ne le sait pas encore. On espère toutefois que l'IER soit transparente en signalant si d'éventuels absence de coopération auraient entravé la recherche de la vérité et comment. On a également fait part, vu la sensibilité du dossier du Sahara, de notre souhait de voir l'Instance traité aussi des cas de violations de droits de l'Homme dans cette région de la même manière qu'elle le ferait pour les autres régions et localités du Maroc. Pour l'élaboration de votre rapport, est-ce que vous avez bénéficié de la collaboration nécessaire de la part de l'IER ? Les membres de l'Ier, et son président en premier, étaient toujours disponibles pour nous rencontrer et répondre à nos questions même s'ils ont observé une forme de confidentialité sur certains sujets. On les comprend d'ailleurs au regard des contraintes et surtout des limites qui leur sont imposées par les statuts de l'IER. Est-ce que votre ONG envisage d'appeler d'autres pays de la région à adopter une expérience similaire à celle de l'IER ? La majorité des pays de la région ont un douloureux passé qui n'a jamais été reconnu de manière officielle et où les victimes n'ont jamais eu droit à quelque forme de réhabilitation ou de réparation. On espère que, dans l'avenir, d'autres pays créeront des commissions vérité sérieuses pour établir la vérité sur les graves abus du passé même si chaque pays doit trouver un modèle qui serait le mieux adapté à ses réalités et à son contexte. Par exemple, on parle en Algérie de mécanismes Ad Hoc sur les disparus, mais les résultats ont débouché sur une grosse déception aussi bien pour les familles des victimes que pour nous à Human Rights Watch. L'IER est à l'évidence beaucoup plus sérieuse dans son travail même si le bilan final, pour l'avenir, restera dans la concrétisation, sur le terrain, de ses conclusions et recommandations.