L'ancien homme fort de la Syrie au Liban, Ghazi Kanaan, récemment interrogé par la commission de l'ONU sur l'assassinat de Rafic Hariri, serait-il devenu trop encombrant pour le régime Assad ? Ghazi Kanaan était l'homme le plus influent de la Syrie au Liban. Interrogé récemment par la commission de l'Onu chargée de l'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, M.Kanaan a été retrouvé mort mercredi dans son bureau à Damas. D'après les autorités, il s'agit d'un suicide. Dans un bref communiqué, l'agence officielle syrienne Sana a annoncé que le général Ghazi Kanaan, ministre de l'Intérieur, s'est suicidé mercredi matin dans son bureau à Damas et qu'une enquête avait été ouverte. Selon son directeur de cabinet, Walid Abaza, Ghazi Kanaan, 63 ans, s'est tiré une balle dans la bouche. «Il a quitté son bureau pour rentrer chez lui, puis est revenu au bout de trois quart d'heure, a pris une arme dans son tiroir et s'est tiré une balle dans la bouche.» «Kanaan sera inhumé jeudi», a-t-il ajouté. S'agit-il vraiment d'un suicide ? Si oui, pourquoi Ghazi Kanaan a-t-il décidé de mettre fin à ses jours? Serait-il impliqué de près ou de loin dans la mort de Hariri ? Ou bien serait-t-il le bouc émissaire d'un complot politique? etc. Des questions qui demeurent pour l'instant sans réponse. À Damas, la discrétion est de mise. «Jusqu'à présent, nous n'en savons pas la raison de ce suicide,» a affirmé le ministre syrien de l'Information Mahdi Dakhlallah à la télévision qatarie Al-Jazira. «Tout le monde est sous le choc. Personne ne s'attendait au suicide de Ghazi Kanaan, qui était le plus important officier de la sécurité dans le monde arabe depuis la deuxième moitié du 20ème siècle,» a affirmé l'analyste syrien Michel Kilo. Pourtant, quelques heures avant l'annonce de sa mort, Ghazi Kanaan avait indiqué à une radio libanaise qu'il était possible que sa déclaration soit "la dernière". Il y démentait les informations d'une télévision privée libanaise selon laquelle il aurait touché dix millions de dollars pour faire adopter une loi électorale qui avait donné la victoire à Hariri aux législatives de 2000. En disant que son propos pourrait être le dernier, Ghazi Kanaan savait-il que ses jours étaient comptés ? Ou envisageait-il seulement de quitter la scène politique ? Certains observateurs pensent que ce suicide serait en rapport avec la dernière sortie médiatique du président syrien Bachar al-Assad. En effet, dans une interview réalisée par la chaîne CNN juste avant l'annonce du décès de Ghazi Kanaan, le président syrien Bachar al-Assad s'est dit confiant que la commission de l'Onu sur l'assassinat de Hariri blanchirait la Syrie. Il s'est, cependant, engagé à punir sévèrement comme "traître" tout Syrien qui y serait impliqué. Dans l'immédiat, toute conclusion de ce genre serait prématurée. Une telle hypothèse suppose que M.Kanaan serait impliqué dans l'assassinat de Hariri, alors que personne n'est encore sûr s'il s'agissait d'un suicide ou d'un meurtre. Tant qu'il n'y a pas eu d'enquête, tout cela ne reste que pure spéculation. Le défunt avait été pendant deux décennies le plus haut représentant de Damas au Liban, pays placé sous tutelle politique et militaire de la Syrie jusqu'au départ, en avril 2005, des troupes et agents secrets syriens. L'ancien patron des redoutés "moukhabarat" syriens au Liban avait été nommé à son retour à Damas en 2002 à la tête du directorat chargé de la sécurité politique en Syrie avant de se voir confier le portefeuille de l'Intérieur en 2004. Le général Kanaan avait été interrogé il y a deux semaines par la commission d'enquête des Nations unies chargée de faire la lumière sur l'assassinat, le 14 février à Beyrouth, de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri.