La crise des médecins spécialistes s'aggrave au Maroc. Le ministère de la Santé peine à combler le vide qui s'est accentué après l'opération des départs volontaires. Un appel à candidature pour embauche n'a pas accroché le moindre prétendant. Crise dans le secteur de la santé publique. Mohamed Cheikh Biadillah, ministre de la Santé, a beau multiplier les démarches pour combler la « pénurie » de médecins spécialistes. Rien n'y fait. Il y a plusieurs semaines, ce département lançait un appel à candidature pour l'embauche de spécialistes devant exercer dans une vingtaine d'établissements publics dans des régions enclavées dont Dakhla, Tata, Bouarfa, Guelmim, Taourirt ou encore Errachidia, Missour, Jerada, Sidi Ifni et Sidi Bennour. L'avis en question visait notamment les spécialistes en anesthésie-réanimation, en gynécologie et en chirurgie générale et fixait le 30 septembre dernier comme dernier délai pour le dépôt des candidatures sachant que l'embauche devait se faire sur dossier. Après cette date, nous apprend une source au ministère de la Santé, la direction des ressources humaines de ce département n'a reçu aucune demande si ce n'est celle d'un praticien ayant été formé dans l'un des pays de l'Est et qui devra fournir une équivalence. Autrement dit, Mohamed Cheikh Biadillah n'aura à sa disposition pas un seul spécialiste des 260 dont son département a besoin, de toute urgence. Quand on sait que près de 246 formations de santé (services, centres ou petits établissements) sont fermées pour manque de personnels et dont des spécialistes, l'on n'est pas au bout du tunnel. Interrogés par ALM, plusieurs professionnels évoquent le manque de motivation pour rejoindre ces « coins perdus », mais aussi les problèmes qui risquent de surgir pour les praticiens mariés et qui ont des enfants à scolariser. Le « Maroc inutile » n'intéresse pas les disciples d'Hippocrate même quand il s'agit de Sidi Bennour, à un vol d'oiseau de la ville d'El Jadida. La santé, les recommandations de l'OMS peuvent attendre. Plusieurs sources interrogées affirment que, sans être le seul facteur à incriminer, le départ volontaire de la fonction publique a aggravé la situation. En clair, le département de Biadillah n'avait qu'à ne pas permettre, autoriser, le départ de 236 spécialistes partis avec un autre lot de 135 médecins généralistes et 1.183 infirmiers. Combler ce vide , affirme une source de ce département, passerait par la révision à la hausse du nombre des lauréats. Chose qui est désormais possible grâce aux deux nouveaux CHU de Marrakech et Fès. Le tout donnera des promotions de 300 spécialistes par an au lieu de 150. Toutefois, on reste encore loin du compte. La parade ? Selon des informations recueillies par ALM, il aurait été et serait question de recourir à la «main-d'œuvre» étrangère et notamment du côté de pays d'Europe de l'Est. La proposition émanerait du ministère de la Santé et il en aurait été question lors de plusieurs réunions avec le Premier ministre et le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération. Selon une source proche du dossier, la Primature n'aurait rien contre ce projet, mais il était question d'attendre les résultats de l'appel à candidature lancé par le département de Biadillah. Une source ajoute qu'un travail de « prospection » a été mené dans des pays d'Europe de l'Est et en Bulgarie en particulier. Résultat des courses: les spécialistes bulgares seraient prêts à rejoindre leurs postes à Bouarfa, Outat El Haj ou Tinghir dans les mêmes conditions et avec les mêmes indemnités et avantages consentis à un spécialiste du terroir. Toutefois, cette éventualité soulève déjà des critiques de la part des professionnels nationaux, non pas pour contester quelque «concurrence étrangère », mais pour dire qu'une telle décision serait insensée. Car, comme le relève le Professeur Jalal Hassoun, les praticiens étrangers seraient dépassés par la réalité du pays, sa ou ses langues et ses réels besoins et priorités. En plus, une telle option ne résoudrait pas le problème. Pour Jalal Hassoun, il n'y a pas de manque de spécialistes, mais l'on pourrait parler d'hémorragie et qu'il est grand temps de rouvrir le dossier du TPA (temps plein aménagé). Que coûte un spécialiste à l'Etat? Enormément, y compris en efforts. Pour devenir spécialiste, il faut passer et réussir son concours de résidanat. La durée de formation est de quatre ans pour les spécialités médicales alors qu'il faudra consentir un an de plus pour les spécialités chirurgicales. Ce parcours est sanctionné par un examen de fin de spécialisation et l'obtention d'un diplôme (DSM). Chaque spécialiste aura auparavant signé un contrat-engagement où il prend sur lui, en principe, de travailler dans le public pendant huit ans. En principe seulement, car les «parades» ne manquent pas. Pour ne rien arranger, le problème de médecins spécialistes vient s'ajouter au manque terrible d'infirmiers. Le Maroc a besoin de 9.000. Biadillah en a «congédié» 1.183…