Le professeur universitaire et fin connaisseur des relations maroco-algériennes, Mohamed Moatassim, estime que Larbi Belkheir, comme son nom l'indique, apportera le bonheur aux relations entre Alger et Rabat. ALM : Que pensez-vous de la nomination du général-major Larbi Belkheir comme ambassadeur de l'Algérie à Rabat ? Mohamed Moatassim : Ces dernières années, les responsables algériens ont multiplié les initiatives et les déclarations d'apaisement à l'égard du Maroc et de son intégrité territoriale. Ces initiatives se sont avérées être de véritables "promesses de Gascon". Au point que la classe politique marocaine est devenue incrédule et désabusée. Ceci dit, je pense sincèrement que la nomination du général Larbi Belkheir, au poste d'ambassadeur à Rabat, sera en mesure d'effacer ces déceptions et redonner vie à l'espoir. Qu'est-ce qui vous fait dire que Larbi Belkheir apportera la solution aux conflits algéro-marocains ? Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, l'initiative américaine qui a donné lieu à la libération des 404 prisonniers marocains détenus par le Polisario à Tindouf. Cette intervention américaine s'est accompagnée par un message fort : la clé de la solution au conflit artificiel au Sahara est entre les mains de l'Algérie. Par ailleurs, le choix de Larbi Belkheir est extrêmement important. C'est un homme qui jouit d'un grand respect dans la classe politique marocaine. Et pour cause, il ne traîne pas de casserole à l'égard du Maroc. Son attitude vis-à-vis de l'affaire du Sahara n'a jamais été irréversible, contrairement à d'autres hommes politiques algériens, tels que Abdelaziz Belkhadem ou même l'actuel ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui. Quelles sont à votre avis les qualités en matière de diplomatie de Larbi Belkheir qui reste un militaire avant tout ? Ecoutez, Larbi Belkheir est l'homme des missions délicates. Au début des années 1990, j'étais en compagnie de Cherif Belkacem, l'ancien numéro deux à l'époque de Boumediene. Nous étions chez lui et au même moment Larbi Belkheir était au Maroc, porteur d'un message du président Chedli Benjedid au Souverain feu Hassan II. Je tiens à préciser que Cherif Belkacem est mon ami d'enfance. Il est originaire de Kasbat Tadla, ma ville natale. Cherif Belkacem m'a assuré que Larbi Belkheir était un fin négociateur et un homme de compromis. Ceci à l'époque de Chedli Benjedid, pendant laquelle Larbi Belkheir était à l'apogée de son pouvoir. Qu'en est-il aujourd'hui ? Larbi Belkheir est le véritable Talleyrand du régime algérien. Il a survécu à toutes les crises et à tous les présidents. C'est également un oiseau de bon augure. Comme son l'indique, il peut apporter le "bonheur" avec lui. Certes, ce n'est pas un diplomate de carrière, mais il a toujours été un homme de mission. Sa tâche à Rabat ne consistera certainement pas à faire de la figuration. Il sera probablement porteur de propositions concrètes. Il sait pertinemment que les Marocains sont fermement attachés à leur intégrité territoriale. Il sait que le Sahara occidental est marocain comme le Sahara central est algérien. Pensez-vous que sa nomination est une manière pour la France de contrecarrer l'entrée soudaine des Etats-Unis sur la scène régionale ? Sincèrement, je ne le pense pas. L'Algérie n'a pas envoyé son ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, car tout le monde connaît son hostilité à l'égard du Maroc. Les Etats-Unis ont compris que les autorités algériennes sont les créateurs et les manipulateurs du problème artificiel du Sahara. Après une série de pressions, le président Abdelaziz Bouteflika a fini par céder. Si théoriquement Larbi Belkheir, en sa qualité d'ambassadeur et non de ministre, n'est pas capable de faire des promesses concrètes au Maroc, il pourra au moins jouer le rôle d'éclaireur. Dans tous les cas, je lui dis bienvenue au Maroc.