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Bonnes feuilles : Un regard calme sur l'Algérie (5)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 05 - 08 - 2005

Journaliste algérien installé à Paris, Akram Belkaïd livre son regard sur son pays, meurtri par une décennie d'affrontements sanglants entre pouvoir et islamistes armés. Une Algérie qui tente désormais de panser ses plaies.
Pour terminer, j'aimerais citer l'universitaire américain William B. Quandt, dont le texte à propos du personnel politique algérien se passe de commentaires. « L'Algérie n'a pas eu de grands dirigeants, affirme-t-il. On peut même dire que la crise, bien que d'origine socio-économique, a été aggravée par la médiocrité de sa classe politique. L'esprit de clan et l'intérêt personnel l'ont emporté sur le sens civique. Mais les Algériens, qui sont un peuple tenace et obstiné, finiront bien par faire entendre leur voix. Avec le temps et l'expérience, leurs dirigeants en viendront à admettre que la paix sociales n'est possible qu'à partir du moment où tous les courants de la société ont voix au chapitre. Pour l'heure, l'Algérie doit être considérée comme un pays au seuil d'une transition difficile. Mais il ne serait pas étonnant qu'elle parvienne à se doter d'un gouvernement responsable et représentatif bien avant d'autres pays de la région. C'est à la fois ce que je prévois et ce que je lui souhaite ».
- 2 –
Le mauvais œil ou le mal-être algérien
Souvenirs d'un bonheur national
D'abord, c'est un bref silence incrédule, immédiatement suivi par une explosion de joie. Ensuite, c'est les rues d'Alger qui renaissent en un clin d'œil après avoir été désertes durant deux heures. On chante, on rit, les drapeaux flottent sur les toits des bus et des pères de famille dansent sur les capots des voitures. Malheur à l'automobiliste qui ne klaxonne pas car son pare-brise risque de voler en éclats… Des youyous stridents montent des balcons et, dans la baie qui prête ses miroirs à la lumière douce de fin d'après-midi, les sirènes font écho à la clameur de tout un peuple.
On est le 16 juin 1982. Dans quelques jours, le 5 juillet pour être exact, l'Algérie indépendante va fêter ses 20 ans. En ce jeudi de liesse, pour son premier match du Mundial espagnol, l'équipe nationale de football vient de lui offrir un cadeau d'anniversaire inespéré en battant au stade El Molinon de Gijon celle de la RFA par deux buts à un.
Au coup de sifflet final, je bondis à l'extérieur de la maison et me laisse porter par les flots humains qui glissent des hauteurs en direction de la mer. Mes temps bourdonnent et de la sueur me coule encore des mains. Instants magiques qui me font oublier la prochaine publication des résultats du baccalauréat. Comme tout le monde, je scande « One, two, three, viva l'Algérie ! » ou alors je traite Rummengge et Hrubesch, les deux joueurs vedettes de la NationalMannshaft, de «Pamela »… Pamela, pour ceux qui l'ont oublié, c'est l'héroïne maniérée de Dallas, le célèbre feuilleton dont la rumeur prétend qu'il nous a été offert par Ronald Reagan en récompense des efforts de notre diplomatie pour la libération des otages de l'ambassade américaine de Téhéran…
Ayant saisi qu'ils vivent des heures historiques, des gamins sur-excités commencent à douter à tue-tête de la fidélité de l'épouse du détestable Schumacher, le gardien de but allemand. On éclate de rire mais on les rabroue quand même en leur expliquant qu'ils ne sont pas au stade et qu'ils doivent surveiller leur langage en présence des mères et des sœurs. Partout, on se congratule, on commente, on rejoue la partie. Quel match ! Nous étions fous d'angoisse à l'idée de voir nos joueurs ridiculisés par des champions d'Europe donnés vainqueurs à trente contre un par les bookmakers de Londres.
Et puis… Deux buts à un : Zoudje fel chebka ! Une surprise mondiale saluée le lendemain d'un inoubliable « Colossale Algérie ! » par le quotidien L'Equipe, une victoire de Petits qui a fait chanter de Douala à Alexandrie.
Le 16 juin 1982, une équipe de légende est née. Cerbère, Mansouri, Kourichi, Guendouz, Merzekane, Madjer, Dahleb, Fergani, Belloumi, Assad, Zidane : ces jeunes bourrés de talent, souvent égoïstes, parfois fantasques et indisciplinés, ont montré une solidarité sans faille, une énergie et un courage admirable. Ils ont été si beaux, si vaillants et nous sommes si fiers d'eux.
Alger nous aime. En avançant au pas le long de la rue Didouche Mourad, j'ai la nette sensation que la capitale se donne enfin à nous. Avant cette fête, peut-être ne nous tolérait-elle que contrainte et forcée, acceptant de mauvaise grâce les grappes humaines qui se sont installés en elle depuis l'indépendance, souffrant en silence de soutrages que ces habitants venus du fin fond de la campagne et des montagnes lui ont fait subir au fil du temps. Mais l'Allemagne vient d'être battue et la ville blanche ne veut pas gâcher notre plaisir. Elle nous ouvre ses bras et son sourire se reflète dans la chaux des murs et le bleu vif du ciel. Notre présence n'est plus décalée, nous ne sommes plus des intrus dans ces rues longtemps européennes. J'inspire à m'en faire éclater les poumons. Je suis chez moi et j'appartiens à un pays persuadé qu'il est au centre du monde.
Les aînés sont heureux et le masque soucieux et irascible des Algérois a disparu de leurs visages. Ils disent que cette victoire vaut bien plus que la finale gagnée face à l'équipe du France amateurs pendant les Jeux Méditerranéens de 1975 et bien plus aussi que la médaille d'or des Jeux Africains de 1978. Ils disent surtout que la liesse est aussi belle qu'en juillet 1962, et en les écoutant parler ainsi nous croyons que tout va aller enfin pour le mieux. Il va y avoir du travail et un logement pour tous. Les pénuries et le recours obligatoire au piston vont disparaître tandis que les jeunes auront des concerts et des loisirs. C'est sûr, le pays va se relever et prendre l'envol tant attendu depuis vingt ans.
La peur du bonheur
Selon la croyance populaire, il n'est guère conseillé d'afficher son bonheur de manière trop ostentatoire et la retenue est fortement recommandée. Sinon, el-ayn, le mauvais œil, peut frapper et faire rapidement pleurer ceux qui rient trop fort ou trop longtemps. Dans ma société, la joie est un sentiment souvent ambigu, dangereux, qu'il faut toujours tempérer par égard pour ceux qui souffrent ou par crainte des envieux.
La peur d'el-ayn est présente dès l'enfance car, même si les parents sont rationalistes et farouchement opposés aux superstitions, les proches, les voisins, les femmes du village paternel se chargent du rappel à l'ordre. « Si tu mets un habit neuf et que dans la rue une vieille te regarde trop longtemps, tourne neuf fois ta langue dans ta bouche et crache par terre », m'ont répété tant de fois les cousines et voile traditionnel, et dont on ne voyait que les yeux – parfois un seul – étaient capable de jeter les pires des sorts. Cette crainte du mauvais œil peut pousser à cacher ses intentions, à éviter de parler de ses projets, à empêcher ses enfants de sortir dans la rue et même à ne pas recevoir chez soi. Mais cela ne suffit pas pour se protéger car l'invocation régulière de la protection divine est nécessaire. Les deux dernières sourates du Coran, al-Falaq (le point du jour ou l'aube naissante) et An-Nâs (les hommes), appelées les « préservatrices », permettent au croyant de trouver refuge auprès de Dieu pour échapper à la malveillance, aux envoûtements et au mauvais œil de l'envieux. On les apprend très tôt, souvent dès la première année du cours élémentaire, et l'on ne peut vraiment revendiquer sa culture algérienne si on ignore ce qu'elles représentent dans l'entrelacs quotidien des peines et des espérances.
Le 16 juin 1982, il est vraisemblable que personne n'a songé à réciter les cinq versets de chacune des deux sourates. Trop de « One, two, three… », nous ont fait tourner la tête, au point d'oublier de crier «Cinq dans vos yeux ! » ou « Cinq dans les yeux du cheyttane (de Satan) ! », formules destinées à chasser le mauvais œil et qui évoquent les cinq doigts de la khamsin, la fameuse « main de Fatma », symbole, sémite hérité de la période carthaginoise. Nous aurions dû nous prémunir en brandissant cette main dont le majeur est censé symboliser Dieu, l'annulaire, le prophète Mohammad (Mahomet), et l'index, son gendre Ali.


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