Croissance, chômage, inégalités... L'irruption de la pandémie de la Covid-19 compromet sérieusement la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) à l'échéance 2030 aggravant ainsi les disparités et les inégalités entre les populations. Pour en comprendre l'évolution, Policy Center For The New South en partenariat avec la Banque mondiale a organisé, vendredi 2 avril 2021, une visioconférence sous le thème «Inégalités à l'heure de la Covid-19 : l'impact de la pandémie sur la marche vers la réalisation des ODD». «Selon le rapport des ODD 2020, le monde était en marche vers les ODD de façon croissante dans des domaines tels que l'amélioration de la santé maternelle et infantile, l'élargissement de l'accès à l'électricité, à la scolarisation, et l'augmentation de la représentation des femmes au sein des gouvernements. Toutefois, même ces avancées ont été contrebalancées par une croissante insécurité alimentaire, une détérioration de l'environnement et du climat outre les inégalités persistantes basées sur le genre et les disparités du bien-être social. Le contexte de la pandémie de la Covid-19 a révélé davantage les disparités sociales quoique sur le plan environnemental une amélioration significative des indicateurs climatiques a été notée», indique le Think Tank marocain ajoutant que les disparités de bien-être sont dues à l'imbrication de ces dynamiques et jouent un rôle important dans l'explication de l'insatisfaction des individus dans les sociétés. Cette rencontre à distance met en lumière les réponses à donner aux défis qui vont au-delà de cette crise et qui challengent la faisabilité du modèle de développement actuel. Inégalité, lutte contre la pauvreté et la réponse aux crises économiques périodiques …Où en est-on à moins de 10 ans de l'échéance fixée pour l'atteinte des Objectifs de développement durable ? Décryptage. Réactivité contre la Covid-19 : Le Maroc, un bon exemple La donnée s'impose comme un élément central pour réussir le développement économique et social. Au niveau des pays du Maghreb, le Maroc a rapidement réagi en mettant en place des outils pour juguler les effets de la pandémie. Comparé à la Tunisie par exemple, «la capacité des services de protection sociale marocains était beaucoup plus efficace à réduire l'impact», souligne Vasco Molini, Senior Economiste, Poverty Global Practice Group, World Bank indiquant par ailleurs que les deux pays ont utilisé les données pour cibler leur intervention et constituent deux bons exemples en matière d'utilisation des données pour la formulation de politiques publiques. Création de l'emploi : La clé pour baisser les inégalités Lors de son intervention Ayache Khellaf, secrétaire général, Haut-Commissariat au Plan, a mis l'accent sur la nécessité de créer des emplois qualifiés pour surmonter les défis qui s'imposent. Avec une faible croissance et une faible égalité on risque de se retrouver face à la problématique de la pauvreté alors qu'on a fait beaucoup d'efforts pour la réduire durant les années passées, fait remarquer Ayache Khellaf, secrétaire général, Haut-Commissariat au Plan. Il a rappelé que le taux de croissance économique a chuté de 7% en 2020. «Cela a touché les secteurs les plus créateurs d'emplois, en particulier les secteurs de services. La population active est beaucoup plus dans le secteur des services. Celui-ci crée plus de la moitié des emplois», explique-t-il ajoutant que globalement cette situation de crise a causé la perte de plus de 400.000 emplois à laquelle s'ajoute un taux d'activité en baisse, notamment en période de confinement. Dans le même sens, le responsable a indiqué que les inégalités ont enregistré un taux de 44% durant cette période alors que le Maroc était à un taux de 38% avant Covid-19 après un niveau de 40% dans les années 2000. Pour ce qui est du retard dans la réalisation des objectifs durables dans un scénario où la pandémie continuerait de sévir, le responsable a planté le décor. «Lorsqu'on parle par exemple de la mortalité maternelle, au lieu de faire une réduction de moins 35% on ne pourrait réaliser que moins 20%», indique -t-il ajoutant par ailleurs que dans un scénario plus favorable, le Maroc pourra améliorer la situation et revenir à une tendance d'accélération des Objectifs de développement durable. Vers une prospérité partagée Comment le choc de la Covid-19 pourrait nous interpeller sur la réalisation des ODD à l'horizon 2030 ? Sur ce volet, Larabi Jaïdi, Senior Fellow, Policy Center for the New South indique qu'il est essentiel de faire le point sur l'évolution des ODD depuis 15 ans au Maroc et les secteurs où nous n'avons pas suffisamment avancé en mettant l'accent sur les questions de l'inégalité, de la pauvreté, de l'accès à l'emploi, l'éducation et la santé. Un constat aux niveaux territorial et local est donc indispensable. Pour illustrer ces propos, l'expert a donné l'exemple de l'inégalité devant la mort. Ainsi, la période de la Covid-19 qui a été caractérisée par la surmortalité nous interroge sur la nécessité de savoir quelles sont les populations et les zones les plus touchées par cette forme d'inégalité. Il s'agit aussi de savoir si cela est lié à l'état de santé, la prédisposition de cette population ou encore de l'absence de l'encadrement sanitaire. «Cet éclairage au plus fin permettra de nous donner une série d'informations pour la question de l'encadrement sanitaire pour les populations vulnérables», relève-t-il précisant que ce diagnostic détaillé devra être aussi mené au niveau des autres secteurs comme l'éducation ou l'emploi. Sur le plan de la réalisation des ODD, Laarabi Jaidi a mis l'accent sur l'interdépendance entre les objectifs de développement durable, ce qui implique à réfléchir sur l'interconnexion des politiques liées à ces objectifs (par exemple : entre l'éducation et la santé, entre l'eau et la santé, etc). Pour conduire des politiques publiques plus ciblées, il est également question de réfléchir sur la coopération intersectorielle, le mécanisme de gouvernance, ainsi que le mode de déploiement de ces politiques et de leur suivi.