Abdesslam Alikane est un gnaoui d'Essaouira. Il s'est produit samedi soir à la scène Moulay Hassan dans le cadre de la huitième édition du festival d'Essaouira. Un concert où la musique gnaouie a fusionné avec des rythmes sénégalais et suédois. Le festival de gnaoua d'Essaouira a fêté sa huitième édition du 23 au 26 juin 2005. Fidèle à sa tradition, cet événement est une occasion de rencontres entre les mâalems gnaouis et certains groupes étrangers. C'est ce qu'on appelle la fusion. Un terme de plus en plus à la mode au Maroc et qui trouve son essence dans l'improvisation. Lors du concert de samedi soir, un autre exemple de fusion a été mis à la découverte des spectateurs à la scène Moulay Hassan. Le groupe dirigé par le maître Abdesslam Alikane a été rejoint par des musiciens du Cameroun, de la Suède et du Sénégal. Un véritable mélange musical qui donne naissance à des rythmes tout à fait originaux. De l'avis même du maalem Alikane. Mais ceci n'empêche pas la fusion gnaoua avec d'autres styles d'avoir ses caractéristiques. Pour le maître gnaoui : Abdesslam Alikane, cette fusion possède ses caractéristiques. Selon lui : «en présence des groupes étrangers, la musique gnaouie se contente d'être un art, en laissant à côté l'aspect du rituel». Abdesslam Alikane signifie par là qu'il y a certaines caractéristiques de la musique gnaouie qui ne peut guère être jouée sur scène et en présence d'autres styles musicaux. L'aspect du sacré, du mystique et du spirituel est quelque peu atténué. En fait, la musique gnaouie possède différents contextes. Et chacun a ses propres caractéristiques. Lors des lilas, ou des moussems, l'aspect rituel est très présent. La musique gnaouie traduit, en effet, toute une symbolique en liaison avec une opération de chasse aux esprits. Les maîtres gnaoui sont donc quelque part assimilés à des guérisseurs. Les personnes fatiguées psychologiquement, ont souvent recours à ce genre de pratique à la limite du profane. Profane dans la mesure où le gnaouie est un intermédiaire entre Dieu et l'être humain. Or, cela est presque contradictoire à la religion musulmane. Une religion qui préconise un contact direct entre l'Homme et Dieu. Mais ces pratiques sont devenues aujourd'hui tout à fait normales. Elles ont réussi à se débarrasser de cette image. A Essaouira, c'est chose courante. Les personnes mentalement éprouvées guérissent à l'écoute du guembri des maalems, avec toute la spiritualité qu'ils transmettent. Il suffit qu'ils écoutent cette musique qui invoque Dieu pour que leur état s'améliore. Cette réalité n'a pas de signification rationnelle. Les mâalems eux-même ont du mal à expliquer leur pouvoir, mais ils y croient. «Il m'arrive souvent d'être surpris, lorsque des gens viennent me voir pour me remercier et me dire que je les aies guéris de leur maladie» déclare maalem Alikane. Et d'ajouter : «c'est quelque chose qui ne s'explique pas, il ne faut pas toujours chercher à comprendre». Ces bienfaits que procure la musique gnaouie entrent dans tout un contexte avec ses rites et ses traditions. C'est pour cette raison, que la musique gnaouie qui est jouée sur scène est caractérisée selon Abdesslam Alikane par une certaine reserve. «Il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas qu'on les voit dans un état de transe avancé», déclare ce maâlem. Une façon de dire que la musique qui est jouée sur scène est assez sobre. L'exemple a été donné par la soirée de samedi soir à la place Moulay Hassan.