Chefchaouen met les petits plats dans les grands pour accueillir le 20ème Festival de la musique andalouse. Deux décennies au service d'une part vivante du patrimoine musical national. Le Festival de la musique andalouse de Chefchaouen, prévu du 23 au 26 juin, se présente cette année sous un accent particulier. Coïncidant avec le 20ème anniversaire de la création de ce festival, l'un des plus anciens au Maroc, cette édition, au-delà de son caractère festif, devrait interpeller, d'une part, les organisateurs sur l'apport du festival à la musique «Ala » et, d'autre part, sur la place qu'occupe cette musique dans le Maroc d'aujourd'hui. S'agissant d'apport, le Festival de Chefchaouen a joué, pendant deux décennies, un rôle indéniable dans la sauvegarde de ce mode musical arabo-andalou. Dépositaire du legs arabo-andalou, perceptible à travers une musique «Ala» très enracinée à Chefchaouen, ce festival a du moins le mérite d'offrir un espace où des orchestres, originaires de différentes régions du Royaume, viennent se produire et par la même occasion renouveler leur attachement à ce mode musical traditionnel national. Pour l'édition 2005 de cette grand-messe, on compte une dizaine d'orchestres : troupe Al Hadra de Chefchaouen, troupe Ahmed Azzaytouni As-Sahraoui Al Andaloussi de Tanger, l'orchestre Al-Andaloussi de Safi, troupe Abdelkrim Ar-raïss de Fès, troupe Al Hadra, troupe du regretté Larbi Tamsamani, troupe Saleh du gharnati d'Oujda, troupe féminine nationale pour la musique andalouse de Mohammed Al Houari et Chabab Al Andalus pour la musique andalouse de Rabat. Maintenant, quelle place occupe la musique andalouse dans le Maroc d'aujourd'hui ? On se pose cette question avec une pointe d'autant plus amère que l'usage, pour ne pas dire le traitement, réservé à cet héritage est plus qu'injurieux. Les médias, audio-visuels surtout, ont une grande part de responsabilité dans la dépréciation de ce legs. Ces médias s'acharnent à ne voir dans la musique andalouse qu'un «apéritif», sachant que les récitals ne sont globalement diffusés que lors des repas de midi, du «f'tour» (Ramadan) et autres rendez-vous gastronomiques. L'autre usage fait de la musique andalouse n'en est pas moins dépréciatif : les médias en question auront trouvé à la musique «ala» des effets «soporifiques», sachant que, vu le temps de sa diffusion, elle devrait aider les auditeurs à faciliter et entretenir leur sieste ( !). Voilà où peut mener l'inconscience de ceux qui décident de la programmation audiovisuelle : faire insulte à une part lumineuse de notre patrimoine musical.