La France vient dans, un vote massif (56%), de dire non à la Constitution européenne lors du référendum organisé le 29 mai 2005. Ce vote est un véritable séisme, puisque le taux de participation a été très élevé, de l'ordre de 70%. Ce vote négatif traduit le mécontentement d'une large partie du peuple français quant au texte lui-même, mais surtout sanctionne la politique intérieure française. En effet, la majorité du non provient de la gauche française (extrême-gauche et une grande fraction du Parti socialiste) qui désapprouve la politique sociale du gouvernement français actuel, qui se traduit par un chômage persistant et élevé de l'ordre de 10%. Elle trouve également que le texte de la Constitution est trop libéral, et n'accorde pas suffisamment d'importance à l'aspect social en général, et à la protection du service public en particulier. S'ajoutent au vote négatif de la gauche, l'extrême droite représentée par le Parti de Lepen, et les souverainistes, qui eux s'opposent à la délégation des pouvoirs accordée à Bruxelles, et qui sont favorables à la préservation des Etats-Nations. Les partisans du oui (UMP et UDF), et une fraction du Parti socialiste, n'ont pas convaincu la majorité des Français, qui préfèrent une renégociation du Traité constitutionnel de l'Europe. Ce vote a plusieurs conséquences, pour la France elle-même, pour l'Europe ensuite, enfin pour le reste du monde. Pour la France, c'est un désaveu de la politique du gouvernement actuel, notamment en matière sociale. Certains opposants ont même demandé la démission du Président Chirac, qui s'est beaucoup impliqué pour le vote positif à cette Constitution. Le Président a déjà annoncé qu'il ne démissionnerait pas, mais qu'il allait opérer un changement de gouvernement. Les partisans du non étant très hétérogènes, il faudra attendre les élections présidentielles de 2007 pour un véritable changement d'orientation politique en France. Pour l'Europe, le vote négatif de la France est très grave. Il ne faut pas oublier que le France est un pays fondateur de l'Union européenne, et constitue avec l'Allemagne le moteur de l'Union. L'Europe ne pourra pas se construire sans la France. Sur le plan pratique, il n'est pas envisageable que le peuple français puisse être appelé une seconde fois au vote de ce Traité. L'Europe va donc connaître une longue période d'incertitude, avec la montée du scepticisme vis-à-vis de l'Union, et de l'exacerbation de la défense des intérêts nationaux. L'Union européenne continuera à être gérée selon les Traités déjà ratifiés, et notamment le Traité de Nice de décembre 2000, qui ne facilitée pas la prise des décisions. La seule possibilité est la renégociation du Traité, si l'unanimité des vingt-cinq membres y consent, ce qui prendra plusieurs années. Sur le plan mondial, ce vote négatif va incontestablement affaiblir l'influence de l'Europe dans les relations internationales. Le Traité de Constitution avait prévu un Président et un ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne, ce qui devait unifier et consolider la position européenne sur les grands problèmes internationaux. Ce vote négatif va à l'inverse, consolider l'influence des Etats-Unis d'Amérique, qui continueront pendant longtemps à peser de tout leur poids, d'une façon unilatérale, sur la politique mondiale. Enfin, ce vote ne sera pas sans conséquence sur le partenariat euro- méditerranéen. D'une part, ce partenariat n'a pas fait l'objet de discussions pendant la campagne référendaire en France, sauf en ce qui concerne les éléments négatifs, quant à l'opposition à l'adhésion de la Turquie, et aux problèmes de l'immigration. D'autre part, les dirigeants européens vont se concentrer d'abord sur l'avenir de l'Europe, avant de se soucier du sud de la Méditerranée. La France, qui est le principal défenseur de ce partenariat, va être affaiblie dans les instances européennes. Enfin, sur le plan de l'aide financière de l'Europe au sud de la Méditerranée, la situation ainsi créée, ne va pas militer en faveur de l'augmentation de cette aide. Un signe tangible sera perçu lors de la prochaine Conférence de Barcelone en novembre 2005. Pour ce qui concerne le Maroc, il y a lieu de suivre attentivement la suite de cet événement, étant donné les relations étroites qui nous lient à l'Union européenne, en espérant qu'il y aura le moins de dommages pour notre pays. Parallèlement, il faut développer les relations bilatérales avec chacun des pays de l'Union européenne, diversifier nos relations avec les Etats-Unis et les autres pays arabes, et redoubler d'efforts pour l'édification de l'Union maghrébine. • Jawad Kerdoudi Président de l'IMRI (Institut marocain des relations internationales)