Les Français ont massivement rejeté dimanche 29 mai le Traité constitutionnel européen, donnant ainsi un coup dur au processus de l'intégration européenne. Le président Jacques Chirac, en particulier, est dans une situation pour le moins inconfortable. Après une longue et rude campagne, qui a mobilisé toute la classe politique française, le verdict sur la Constitution européenne est enfin tombé : la France est contre la ratification du traité européen. En effet, 54,87% des Français ont voté non lors du référendum tenu dimanche 29 mai 2005. Le rejet de la Constitution fut massif. À l'exception des grandes villes françaises (Paris, Lyon, Bordeaux, Strasbourg et Toulouse), la France entière a voté contre la Constitution mise à part Marseille, Nice, Lille et Le Havre. Paris a plébiscité le oui à plus de 66%, tout comme Lyon à 61,35% et Strasbourg à 62,84%, alors que Marseille a voté massivement non à 61,17%. La Bourgogne, avec 58,52% des voix pour le non, s'est opposée à un niveau supérieur à la moyenne nationale à la Constitution européenne. Les électeurs de la région Rhône-Alpes ont voté contre le traité constitutionnel de l'Union européenne, mais à une majorité moindre que l'ensemble du pays. La défaite du oui a été perçue par la presse française comme un "séisme" pour le président Jacques Chirac et la classe politique. Les électeurs français ont souvent voté contre une classe politique discréditée plutôt que de dire non à la Constitution européenne, selon un nombre d'éditorialistes. Le président Jacques Chirac qui s'est entièrement engagé dans la campagne en faveur du oui, a déclaré vouloir en "tenir compte", laissant présager un changement de gouvernement. Il a confirmé sa volonté d'imprimer "une impulsion forte", annonçant des décisions "dans les tout prochains jours". Ces propos n'ont pas empêché divers leaders de droite ( De Villiers et Le Pen) et de gauche (Ayrault et Mélenchon) d'appeler Chirac à démissionner. Le Président a implicitement confirmé son refus de se démettre en affirmant qu'il défendrait les positions de la France lors du Conseil européen du 16 juin à Bruxelles. Alors que de nombreux ministres ont appelé à se rassembler derrière le chef de l'Etat, les chefs de file de l'UMP et de l'UDF ont semblé déjà prendre position en vue de la présidentielle de 2007. Nicolas Sarkozy a estimé que les "Français nous appellent à des remises en cause profondes, rapides et vigoureuses". "Cela suppose un tournant majeur dans nos politiques économiques et sociales", a-t-il ajouté. De son côté, François Bayrou a demandé à Chirac "d'organiser la consultation nécessaire" et "la confrontation des forces vives". Ce dernier a estimé qu'un changement de Premier ministre ne suffisait pas. Ce rejet massif de la Constitution européenne n'est en effet qu'un vote sanction à l'encontre de la politique du gouvernement de Jean-pierre Raffarin. En effet, le mécontentement sur la situation économique et sociale a poussé les Français à donner un coup dur au processus d'intégration européenne en votant contre la ratification du traité. Malgré cet échec historique, la plupart des dirigeants européens ont clamé haut et fort leur volonté de continuer à aller de l'avant, même si certains, très minoritaires, ont réclamé une pause, voire carrément un arrêt du processus d'intégration européenne. Le président de la Commission européenne José Manuel Durao Barroso a, à cet égard, souligné lundi qu'il n'était "pas raisonnable" d'envisager une renégociation du traité constitutionnel, bien que, a-t-il admis, le résultat du référendum de dimanche en France pose un "problème très sérieux" à l'U-E. Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a affirmé sans surprise la veille que la ratification de la Constitution européenne devait "se poursuivre". "Des consultations vont commencer", a également tenté lundi de rassurer le Haut représentant pour la politique étrangère de l'UE, Javier Solana, dans une allusion au prochain sommet européen des 16 et 17 juin à Bruxelles au cours duquel les dirigeants des 25 devront analyser la nouvelle donne. Plus pessimiste sur ce point, le ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier a jugé que le projet européen allait dorénavant "être en panne politique". Quant au Premier ministre britannique Tony Blair, il a exhorté à un "moment de réflexion", estimant en outre qu'il était trop tôt pour dire si la Grande-Bretagne organiserait un référendum sur la Constitution européenne après le non des Français.