L'autosuffisance tant recherchée par le Maroc en matière de sucre s'apparente plutôt à une chimère. Les remèdes administrés portent sur une déréglementation des prix et son corollaire, la privatisation des sucreries. Mais les repreneurs ne sont pas légion. Le secteur sucrier au Maroc est marqué par une libéralisation non achevée, essentiellement caractérisée par la fixation des prix de vente au même niveau depuis 1989. Cependant, après la restructuration du secteur huilier en 2001, le gouvernement a envisagé la réforme de la filière sucrière. Cette initiative passe par la relance du processus de privatisation des sucreries nationales en octroyant une meilleure visibilité aux opérateurs du secteur. Une libéralisation annoncée et qui devrait induire, à moyen terme, une baisse des prix de vente du sucre. Le processus de privatisation des unités opérant dans le secteur doit être achevé en novembre prochain, date à laquelle les intéressés par une éventuelle reprise, doivent déposer leurs offres. De sources proches du ministère de la Privatisation, sur la liste des privatisables, l'intérêt va plutôt à Drapor, la société de dragage, ou à Sococharbon ou encore par une société…d'industrie pharmaceutique. Mais les sucreries ne font pas recettes. Mis à part le leader national Cosumar, qui, selon certaines indiscrétions, se prépare à faire appel au marché à hauteur de 800 MDH pour financer une éventuelle acquisition, aucun autre opérateur connu n'a encore manifesté un quelconque intérêt. Le montant précité, qui ne peut qu'être indicatif et renseigne sur l'intérêt de Cosumar, est en phase avec les prévisions de l'Etat actionnaire, qui se montre assurément moins gourmand. Initialement, l'Etat s'attendait à des montants compris entre 950 et 600 MDH pour chacun de ses quatre pôles à privatiser. La filière de production sucrière est assurée par quatre pôles. Le premier en est le pôle betterave du Gharb, regroupant les usines Sunabel, Sunag et Sunab. Le groupement comprend quatre sucreries de blanc pour une capacité de traitement de 1,3 million de tonnes de betteraves par an. Le deuxième est le pôle betterave du Tadla qui intègre les sites Suta, Subm, Sunat. Autre pôle intéressant est celui de betterave de l'Oriental, avec l'usine Sucrafor. Enfin, le pôle de la canne à sucre, regroupant les usines Surac, Sunacas et Sucral, toutes situées dans les régions du Gharb et du Loukkos. Ce groupement comprend une sucrerie (Sunacas) dont le brut est raffiné dans les deux autres unités (Surac et Sucral). Selon un banquier d'affaire, même si le critère de sélection reste l'offre financière, l'Etat a largement revu à la baisse le prix des unités sucrières. Depuis sa libéralisation partielle en 1996, la filière sucrière bénéficie d'une subvention forfaitaire de 2 000 DH la tonne de la part de l'Etat, soit un montant annuel de près de 2 milliards de DH. Celui-ci est financé par les équivalences tarifaires à hauteur d'un demi-milliard de DH et par le budget général de l'Etat pour 1,5 milliard de DH. Eu égard à ces montants, certains analystes plaident en faveur d'une libéralisation totale de la filière. Selon eux, la compétitivité est bien ailleurs, en dépit de l'aspect social, vu le nombre de personnes vivant de cette industrie. Autre argument avancé, la culture de la betterave n'a en outre jamais soulevé l'enthousiasme des 45 000 agriculteurs qui la pratiquent, en raison des trop faibles revenus obtenus : environ 2000 dirhams par hectare (soit 201 euros), car la tonne de betterave est achetée à un prix moyen de 325 Dh (32,5 euros). Il en va de même pour les 10600 exploitants de plantations de cannes, dont la taille ne dépasse pas 1,5 ha en moyenne, et auxquels la tonne de canne à sucre est achetée entre 250 et 290 Dh/t. (25 à 29 euros). «Il faut dire que l'Etat ne tient pas compte de la teneur en sucre de la betterave livrée dans le prix fixé par ses soins», ajoute le magazine français. Un paradoxe est également à relever. Malgré une augmentation régulière de la consommation du sucre, les surfaces cultivées en betteraves, qui assurent 74 % de la production de sucre, et en canne se réduisent de plus en plus. Durant les cinq dernières campagnes, les surfaces cultivées, notamment en betteraves, ont régressé en moyenne de - 4 % par an.