Ils étaient des centaines, lundi, à participer au lancement officiel de l'Initiative de Genève, résultat de négociations menées par des pacifistes israéliens et palestiniens de haut rang. L'initiative constitue une issue à une situation «devenue insupportable», ont souligné les promoteurs de ce plan de règlement, Yossi Beilin et Yasser Abd Rabbo. Dans un commentaire paru sur le New York Times, ils rappellent que l'initiative, qui constitue «un cadre négocié non officiel pour arriver à une paix durable entre deux peuples après des années d'effusion de sang, où des vies ont été perdues, brisées», remonte à janvier 2001 quant «les derniers pourparlers officiels entre Israël et l'Autorité palestinienne ont pris fin à Taba ». MM. Beilin et Abd Rabbo expliquent dans leur commentaire qu'ils voulaient «trouver des terrains d'entente et montrer aux Israéliens tout comme aux Palestiniens qu'en dépit des frustrations, des déceptions, et, plus que tout, de la violence, on pouvait continuer des discussions utiles». Rejetée sans appel par le Premier ministre israélien Ariel Sharon, l'Initiative de Genève est soutenue de manière ambiguë par le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, contre l'avis de son propre parti, le Fatah, et des principaux autres groupes palestiniens, le Hamas et le Jihad islamique, tous ouvertement hostiles au document. Le gouvernement d'Ariel Sharon a demandé aux Etats-Unis de se garder de soutenir l'initiative de Genève qui ne peut que porter atteinte à la «feuille de route». Sans soutenir explicitement l'Initiative, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell a adressé une lettre d'encouragement à ses auteurs. Il est même possible qu'il reçoive Beilin et Abd Rabbo. Une rencontre qui constituerait une percée diplomatique plus que gênante pour Ariel Sharon, qui a avait promis la sécurité aux Israéliens en cent jours et qui est toujours loin de tenir sa promesse. Bien au contraire. La cérémonie de Genève, ouverte par l'acteur américain Richard Dreyfus en présence de 400 participants palestiniens et israéliens, alternait discours, témoignages, intermèdes musicaux et clips vidéo. Au-dessus de la tribune officielle on pouvait lire en anglais «Il existe un plan, il existe un partenaire».Parmi les invités de marque se trouvait l'ancien président des États-Unis Jimmy Carter, artisan des accords de Camp David conclus en 1979 par Israël et l'Egypte. «Nous ne verrons probablement jamais plus de base plus prometteuse pour la paix», a affirmé M. Carter. Selon lui, «la seule alternative à cette Initiative est la poursuite de la violence». À la fin de la cérémonie, les deux principaux auteurs du document, l'ancien ministre israélien de la Justice Yossi Beilin et l'ancien ministre palestinien de l'Information Yasser Abed Rabbo, ont appelé les gouvernements israélien et palestinien à endosser leur projet. «Si vous acceptez l'objectif final dans l'esprit de Genève, il vous sera plus facile d'appliquer les deux premières phases de la “feuille de route” et de parvenir à une paix durable» , a estimé l'ancien ministre israélien de la Justice Yossi Beilin. Dans un message lu à la tribune, Tony Blair a d'ailleurs déclaré que l'Initiative de Genève pouvait inciter à «prendre des décisions difficiles dans le cadre de la «feuille de route». Mais M. Beilin a averti que le temps presse : «Si les mesures nécessaires ne sont pas prises, les images de ce rassemblement à Genève pourraient s'avérer être les dernières lueurs de raison dans notre région», a-t-il ajouté. «C'est une solution simple à un problème compliqué, c'est la seule solution possible», a fait valoir l'ancien ministre palestinien de l'Information Yasser Abed Rabbo. «Aujourd'hui, nous avons dévoilé le secret le mieux gardé au Proche-Orient : la paix est possible entre Palestiniens et Israéliens», a conclu M. Beilin avant d'échanger une poignée de main solennelle avec Yasser Abed Rabbo. Autre moment solennel, la réconciliation sur la scène d'un ancien prisonnier palestinien et d'un général israélien qui l'avait expulsé des territoires palestiniens. Aux termes du document, Israël évacuerait la quasi-totalité des territoires qu'il occupe en Cisjordanie et partagerait la souveraineté de Jérusalem, tandis que les Palestiniens renonceraient de facto au droit au retour en Israël des réfugiés. Le texte se veut complémentaire de la «feuille de route» du quartette sur le Proche-Orient, soutenue officiellement par la communauté internationale, mais dont l'application est actuellement bloquée par Ariel Sharon.Trois Prix Nobel de la paix participaient à l'événement, l'ancien président polonais Lech Walesa, l'Irlandais John Hume et l'ex-président sud-africain Nelson Mandela, qui devait intervenir par le biais d'un message vidéo. Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan a de son côté déclaré que «ces efforts montrent que les Palestiniens et les Israéliens peuvent agir avec raison et retenue et définir d'un commun accord un cadre qui leur permette de vivre côte à côte dans la paix». Cinquante-huit anciens dirigeants internationaux, dont l'ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev et l'ex-secrétaire général des Nations unies Boutros Boutros-Ghali, ont par ailleurs publié hier un appel en faveur de l'Initiative de Genève, estimant dans l'International Herald Tribune que le conflit au Proche-Orient «avait déjà fait beaucoup trop de victimes».