L'initiative de Genève lancée officiellement ce lundi dans la ville helvétique, avec la double ambition de montrer qu'un règlement négocié au conflit israélo-palestinien reste possible et de faire pression sur Ariel Sharon pour le forcer à changer de politique. L'Initiative de Genève, qui tire son nom du soutien que lui a apporté le gouvernement suisse, est le produit de plus de deux ans de négociations secrètes entre des personnalités israéliennes d'opposition, dont beaucoup de gauche, et palestiniennes, parmi lesquelles plusieurs hauts responsables. Les promoteurs en sont, côté israélien, Yossi Beilin, l'un des grands artisans des accords d'Oslo de 1993 et chef de file du camp des «colombes», et, côté palestinien, Yasser Abed Rabbo, ancien ministre de l'Information et proche de M. Arafat. "L'Initiative de Genève" doit être solennellement lancée lors d'une cérémonie en présence de 700 invités, dont des personnalités internationales comme l'ancien président américain Jimmy Carter, architecte des accords israélo-égyptiens de Camp David en 1979. Le document est loin de faire l'unanimité dans le camp palestinien, notamment auprès des mouvements radicaux comme le Hamas. Dimanche, des manifestants ont ainsi tenté d'empêcher le départ d'une délégation qui devait participer à la cérémonie. Côté israélien, on met en garde contre une possible rencontre à Washington entre le secrétaire d'Etat américain Colin Powell et les auteurs de l'Initiative. M. Powell a adressé une lettre d'encouragement à ses auteurs. L'initiative de Genève prévoit des solutions à toutes les questions de fond. Du statut de Jérusalem qui serait divisée, au droit au retour en Israël des réfugiés auquel les Palestiniens renonceraient de facto, en passant par le sort des colonies juives de peuplement, dont la plupart seraient évacuées, ou le tracé exact des frontières d'un État palestinien. Toutes ces solutions s'inscrivent dans le droit fil des dernières négociations entre les deux parties, notamment les discussions de Taba (Égypte) de janvier 2001. Arafat a apporté son appui verbal à ce document, sans toutefois que l'Autorité palestinienne l'approuve officiellement. Sharon a tiré à boulets rouges sur l'Initiative de Genève, affirmant qu'elle était « plus dangereuse que les accords d'Oslo » et qu'il fallait «lutter pour empêcher (son) adoption», lui assurant ainsi une publicité inespérée. Mais il peut d'autant moins l'ignorer que ce projet suscite un gros intérêt et beaucoup d'espoir dans le monde. N'empêche,le gouvernement Sharon a lancé une offensive en vue de dissuader, surtout les Etats-Unis de soutenir l'initiative de Genève Les promoteurs de l'initiative, qui disposent visiblement d'un abondant financement européen, ont envoyé le texte de l'accord à environ 1,9 million de foyers en Israël. La route s'annonce cependant longue. L'Initiative de Genève revient à « nager contre le courant actuel », qui se caractérise par une « crise de confiance », souligne l'analyste palestinien Mahdi Abdel Hadi. Pour cette raison, « je ne la vois pas se réaliser sur le terrain », dit-il. Mais ce plan a atteint un premier but, celui de lancer le débat et de devenir déjà, selon les propos de l'un de ses promoteurs, M. Beilin, « un point de référence ».