Le Mémorandum de Genève négocié entre Palestiniens et Israéliens pacifistes devait être signé hier, date anniversaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Yitzhak Rabin, co-signataire des accords d'Oslo. Ce protocole d'accord informel est en fait un pacte symbolique destiné à relancer les négociations de paix. Pourtant, l'initiative est loin de plaire aux partisans d'Ariel Sharon, le premier a rejeté et critiqué la rencontre de Genève qui, selon lui, « a balayé toute chance d'avancer dans des négociations sérieuses sur un accord de paix ». Il estime que « c'est au gouvernement israélien de négocier ce genre d'affaires. Tout le reste est virtuel », dit-il. Le Mémorandum de Genève s'inspire largement des résultats auxquels avaient abouti les négociations qui se sont tenues à Taba (Egypte) fin 2 000, quand le second mandat du Président Clinton touchait à sa fin. L'un des points cruciaux de ces pourparlers concernait « un échange selon lequel les Palestiniens obtiendraient le contrôle de Jerusalem-Est et, en échange, ils renonceraient au droit au retour des réfugiés palestiniens à l'intérieur de leur patrie, la Palestine ». Ariel Sharon rejette cette option diplomatique pour faire valoir son point de vue, qui ne conçoit la fin du conflit qu'à travers une victoire militaire, bien que sa politique ait échoué. C'est pour ça qu'il est dangereux, écrit le quotidien israélien Ha'Aretz : « parcequ'il n'a pas tenu ses promesses de ramener la paix et la sécurité dans son pays. Parce que ses méthodes de politicien tacticien en font une bombe à retardement sous les pieds des Israéliens. Parce qu'il a renoué avec la méthode de l'incitation à la violence contre une gauche qui vient de boucler un accord de principe avec des dignitaires palestiniens de premier plan. Et, surtout parce que l'opinion israélienne continue contre toute attente, à accorder sa confiance à un homme qui n'est jamais assez fort que dans l'échec». Un autre éditorialiste israélien estime que « les attaques de Sharon contre l'initiative de Genève donnent l'impression d'une fin de règne. Comme jadis, les Tsaristes criaient: frappez les juifs et sauvez la Russie, Ariel Sharon hurle aujourd'hui : frappez la gauche et après moi le déluge ». Pour les négociateurs de l'accord israélo-palestinien signé à Genève, même si ses termes ont été conclus, le travail ne fait que commencer. Dans un premier temps, Yossi Beilin et Yasser Abed Rabbo, les deux principaux parrains du pacte de Genève envisageraient de «présenter le document aux Nations Unies en tant que projet de résolution et de demander une déclaration de soutien à l'Assemblée générale de l'ONU ». Ils souhaitent également que l'Union européenne approuve ce pacte. Car, si Bruxelles l'accepte,cela signifie que « l'Union européenne reconnaît que les Palestiniens n'obtiendraient rien de Sharon ». Pour le Président de l'Autorité palestinienne, « le pacte de Genève n'est pas un document officiel mais une initiative prise par des personnalités palestiniennes et israéliennes, éprises de paix, avec un soutien international pour promouvoir la paix des braves ». À l'opposé, Ariel Sharon continue de dénigrer le projet de Mémorandum en réaffirmant : « ce document ne pèse pas grand-chose ». Alors qu'en fait il constitue bel et bien « une punition pour le Premier ministre israélien devenu esclave du slogan : « nous n'avons personne avec qui négocier ». Après trois ans de bain de sang mutuel, de débâcle économique et de désespoir, le peuple israélien a besoin de prophétie, disent ses détracteurs. Il faut néanmoins reconnaître que l'accord de Genève est difficile à digérer aussi bien par Israël que par la Palestine. Le premier est invité à se replier sur la Ligne verte, démanteler la plupart des colonies et admettre la division de Jérusalem. La deuxième devrait renoncer au droit au retour des réfugiés, à de larges parts de la périphérie de Jérusalem et certains attributs de souveraineté nationale tels que l'existence d'une armée. Mais, il faut néanmoins reconnaître aussi que le protocole d'accord de Genève forge le cadre du seul règlement politique possible au conflit. Le seul vrai problème est posé par l'opinion publique israélienne tétanisée, et le Parti travailliste en déliquescence qu'il ne risque pas de contrecarrer réellement les visées d'Ariel Sharon malgré les enquêtes dont lui et ses enfants font l'objet pour corruption.