Il aura fallu deux ans de travail discret aux délégations israélienne et palestinienne pour mettre au point le pacte de paix qui sera signé le 4 novembre à Genève. Fruit de négociations entre des représentants de la gauche israélienne et une délégation palestinienne, le plan constitue une alternative à l'agonisante «feuille de route». En révélant lui-même, il y a une dizaine de jours, l'existence de pourparlers entre des représentants de la gauche israélienne et des responsables palestiniens à Genève, le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, ne savait pas qu'il allait donner une dimension encore plus importante à cet événement alors que son but était de le saboter. Les pourparlers, maintenus secrets jusque-là, étaient d'ailleurs arrivés à leur phase finale et les deux parties s'apprêtaient à annoncer avoir abouti à un accord de paix "virtuel" et symbolique susceptible de servir de modèle à un futur accord de paix. Les dirigeants de la gauche israélienne, conduits par l'ancien ministre Yossi Beilin, un des négociateurs des accords d'Oslo de 1993, et les Palestiniens, dirigés par l'ancien ministre Yasser Abed Rabbo, un des dirigeants palestiniens les plus proches d'Arafat, ont négocié durant deux ans sous l'auspice de la Suisse pour aboutir à cet accord qui doit être signé prochainement à Genève. Outre sa finalité au long terme, à savoir parvenir à une paix juste et durable dans la région, l'initiative a eu un impact politique immédiat dans la société israélienne en révélant que de l'autre côté, il existe toujours des interlocuteurs capables de parler de la paix. Contrairement au message que l'équipe de Sharon a toujours essayé de diffuser sur l'impossibilité de parler de la paix avec les Palestiniennes, les pourparlers de Genève ont prouvé que le dialogue était encore possible. "Dans une situation de vide, de violence et d'absence de dialogue, ce qui est le cas depuis trois ans, on n'a pas arrêté de nous dire qu'il n'y avait personne à qui parler. Il s'avère désormais qu'il y avait quelqu'un à qui parler et des choses à discuter", a déclaré l'ex-président travailliste de la Knesset, Avraham Burg. Le nouveau pacte dit de Genève se veut une alternative à la «feuille de route» qui a eu du mal à s'imposer en tant que plan de négociations capable de mener les deux parties vers des accords de paix. Aussi, les deux délégations qui ont négocié le pacte de Genève ont fait preuve de courage et d'audace en osant affronter des questions très sensibles pour l'une et l'autre partie. Ainsi, le plan mis au point prévoit des mesures aussi douloureuses pour Israël que le démantèlement des grandes colonies de peuplement tandis que les Palestiniens auraient, de leur côté, renoncé à insister sur le droit au retour des 3,6 millions de réfugiés de la guerre de 1948. Parachevé le 12 octobre, le plan devrait être signée le 4 novembre prochain à Genève. Une date très significative d'ailleurs puisqu'il s'agit de l'anniversaire de l'assassinat, en 1995, du Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, l'un des grands artificiers des accords de paix de 1993. Contrairement à "la feuille de route", qui se trouve dans l'impasse, les deux parties se sont mis d'accord, dans le cadre de l'initiative de Genève, sur tous les dossiers litigieux : Jérusalem, les lieux saints, l'Etat palestinien, les colonies, le partage territorial, la reconnaissance d'Israël, les arrangements sécuritaires, le droit au retour des réfugiés et la fin de la violence. Ce qui n'est pas étonnant d'ailleurs puisque les deux délégations étaient composées d'experts des dossiers les plus conflictuels. Ainsi, il y avait, du côté palestinien, les ex-ministres Abed Rabbo et Nabil Qassis, les spécialistes des cartes, Samih al-Abed et Bashar Jum'a, le docteur Nazmi Shubi, spécialiste de Jérusalem, et le juriste Raith al-Omri, qui a été conseiller politique de Mahmoud Abbas, et de nouveaux visages comme Jamal Zakut représentant la génération de la première Intifada, Hisham Abd al-Raziq, spécialiste des affaires des prisonniers et le général Zoheir Manasra qui a représenté le lobby des gouverneurs et l'establishment militaire. Même la jeune garde du Fatah était représentée dans les négociations par des dirigeants qui étaient munis de la bénédiction de leur camarade emprisonné, Marwan Barghouti. Leur signature est un signe que les dirigeants de l'Intifada d'Al-Aqsa sont prêts à un accord de paix. Aussitôt annoncé, l'accord a été immédiatement rejeté par le gouvernement israélien alors que, du côté palestinien, l'accueil a été favorable. C'est le dirigeant de la délégation palestinienne, Yasser Abed Rabbo, qui a personnellement annoncé la bénédiction du président de l'Autorité palestinienne. L'ancien ministre de l'Information a d'ailleurs lancé un appel au Premier ministre israélien, Ariel Sharon, l'invitant à soutenir le projet de plan de paix alternatif, à savoir l'initiative de Genève. "Yasser Arafat a donné un signe très clair, très positif ; il appuie cette initiative et ce projet, a déclaré Yasser Abed Rabbo. "Ce qu'il faut maintenant, c'est l'aval de Sharon lui-même et jusqu'à ce jour la réponse a été très négative", a-t-il ajouté. En effet, Sharon a catégoriquement rejeté, devant la Knesset, l'initiative de Genève. De son côté, le chef de l'opposition travailliste, Shimon Pérès, a défendu "l'initiative de Genève" tout en accusant Sharon d'avoir "raté l'opportunité" de faire la paix avec les Palestiniens. "Vous avez raté l'opportunité, et à mon grand regret, il n'y a aucune chance que vous répariez cela. Vous avez raté tous les trains (de la paix).Vous avez un gouvernement qui vous autorise à parler mais non à agir", a dit Pérès. Enfin, il est certain que, malgré le fait qu'elle soit rejetée par Sharon et son gouvernement, l'initiative de Genève revêt une grande importance puisqu'elle engage le parti travailliste et les Palestiniens à poursuivre le chemin de la paix et sera donc certainement le plan de travail que la gauche israélienne adoptera une fois qu'elle reviendra au pouvoir. Ce qui ne tardera certainement pas vu l'échec de la politique de Sharon.