Dès l'entrée en vigueur, le 1er avril dernier, de la nouvelle directive Bank Al Maghrib, les établissements bancaires appliquent strictement ses dispositions. Fessal Kohen, président du Conseil national des experts-comptables, se dit satisfait des nouvelles mesures. Entretien. ALM : La nouvelle circulaire Bank Al Maghrib est-elle conforme aux attentes de l'Ordre des experts-comptables? Fessal Kohen : La directive de Bank Al-Maghrib sur les éléments d'information minimums requis par les banques dans le cadre de l'instruction des demandes de crédit répond parfaitement aux doléances de notre profession, exprimées depuis longue date, en vue de contribuer à l'amélioration et la transparence des informations comptables et financières publiées par les entreprises, permettre aux banques de mieux apprécier les risques liés à l'étude de toute demande de prêt et faciliter l'accès aux crédits des PME-PMI souvent dépourvues de garanties réelles. Sur le volet qui concerne les experts-comptables, cette directive a été élaborée dans le strict respect des textes et lois en vigueur et notamment la loi 15/89 qui réglemente notre profession et qui réserve légalement, sous peine de sanctions pénales, les missions d'audit, de commissariat aux comptes et de toute attestation d'opinion sur les comptes aux seuls experts-comptables. Ainsi, les dispositions de cette directive prévoient, parmi les documents qui doivent accompagner toute demande de crédit : le rapport du commissaire aux comptes pour les sociétés anonymes et les autres sociétés soumises au commissariat aux comptes en vertu de la loi 6/95 ; et pour les autres sociétés ou entreprises qui répondent à certains critères préétablis, une attestation de régularité et de sincérité élaborée par le professionnel légalement habilité à délivrer cette attestation qui ne peut et ne doit être que l'expert-comptable, membre de l'Ordre, en vertu de l'article 1er de la loi 15/89, lorsque l'entreprise fait appel à ses services. Dans la pratique, et dès l'entrée en vigueur de cette directive depuis le 1er avril dernier, nous avons eu écho que les établissements bancaires appliquent strictement ses dispositions et exigent le rapport du commissariat aux comptes ou l'attestation de régularité et de sincérité établie par un expert comptable. La commission «Normalisation» de notre institution travaille actuellement sur les diligences professionnelles à mettre en œuvre pour l'élaboration et la délivrance de cette attestation et pour le visa des états de synthèse par les membres de l'Ordre des experts-comptables. L'argument avancé par les comptables, faisant allusion au manque d'experts certificateurs pour répondre à la demande, est-il, selon vous, recevable ? Notre profession compte actuellement 300 experts-comptables inscrits au tableau de l'Ordre, 75 sociétés d'expertise comptable, 140 experts-comptables mémorialistes, 200 experts-comptables stagiaires au Maroc et près de 1.000 autres stagiaires à l'étranger. À cela, il faut ajouter un effectif de plus de 2.000 collaborateurs et cadres supérieurs qui travaillent sous la supervision et l'encadrement de nos confrères experts-comptables et qui bénéficient, dans le cadre du renforcement de leurs compétences, d'une palette de formation continue dans les domaines financier,comptable, juridique,fiscal et de conseil, assurée par notre Centre de formation dans le cadre de notre norme professionnelle sur la formation continue obligatoire. C'est dire que notre profession a toutes les capacités pour s'acquitter, dans les meilleures conditions, de toutes les missions qui lui sont légalement réservées par la loi. Par ailleurs, je voudrais rappeler que dans le cas particulier de l'attestation de régularité et de sincérité prévue par la circulaire de Bank Al-Maghirb, elle est requise à l'entreprise lors de la demande d'un crédit. Or, toutes les entreprises marocaines ne présentent pas chaque année des dossiers de crédit et encore moins à la même date. Ainsi, il est clair qu'il n'y aurait pas de goulot d'étranglement d'autant plus que les diligences pour l'élaboration de cette attestation nécessitent beaucoup moins d'heures de travail que les missions classiques d'audit et de commissariat aux comptes. Sur un autre volet, le texte de loi régissant le métier d'expert-comptable interdit aux experts d'exercer toute activité commerciale. Qu'en pensez-vous ? L'article 16 de la loi 15/89 dispose que l'exercice de la profession d'expert-comptable est incompatible avec toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à l'indépendance de l'expert-comptable. Ainsi, il est clair qu'un expert-comptable ne peut être salarié d'une entreprise autre qu'un cabinet d'expertise comptable et de conseil. De même, il ne peut effectuer des actes de commerce ou d'intermédiaire ou accepter des mandats de dirigeant de société à objet commercial. Notre code des devoirs professionnels, soumis actuellement pour approbation auprès du Secrétariat général du gouvernement, confirme le principe d'incompatibilité soulevé ci-dessus. La norme professionnelle élaborée par l'Ordre sur les incompatibilités et l'indépendance de l'expert-comptable dans l'exercice de ses missions a largement explicité les incompatibilités prévues par l'article 16 ci-dessus et tous les membres de l'Ordre doivent s'y soumettre. Toutefois, je voudrais préciser que si la loi et la norme professionnelle sont assez explicites sur les incompatibilités susvisées, elles n'interdisent pas à l'expert comptable, membre de l'Ordre, d'être actionnaire dans des sociétés cotées ou des sociétés commerciales, sous condition qu'il n'en assure pas la gestion et qu'il n'y effectue pas des missions de certification légale ou contractuelle qui lui feraient perdre son indépendance ou le mettraient en situation de conflit d'intérêts. Sur le même registre, ayant à traiter du cas d'un expert-comptable membre de l'Ordre, ce dernier tient à préciser que c'est plutôt l'Ordre qui doit trancher sur ce point. Quel est votre commentaire ? A-t-il le droit d'avoir des activités autres que son métier de base ? À ce jour, l'Ordre des experts-comptables ne dispose d'aucune information sur le cas que vous citez. Si l'Ordre est saisi d'une réclamation, nous veillerons à l'étudier dans le strict respect des dispositions de la loi 15/89, du règlement intérieur et des normes professionnelles.