Les ONG marocaines présentes en masse à Genève ont fait un excellent travail. Il leur reste à maîtriser les mécanismes de cette grand-messe pour l'avenir. Dans les couloirs du siège de l'ONU et plus particulièrement au bar le Serpent, les quatre responsables permanents du Polisario n'ont pas l'air bien, mais alors du tout. Il faut savoir que c'est dans ce bar et autour d'un café que se trame l'essentiel. A l'heure du bilan, les gens du Polisario n'ont pas de quoi pavoiser. Chaque année, ils perdaient un peu plus de leurs soutiens. Cette année, c'est la berezina. Il n'y aura pas de résolution sur le Sahara et comptablement, ils ont aussi perdu sur ce qui est annexe. Ce qui est annexe, ce sont les prises de parole des ONG, les manifestations, les conférences en marge. Cette année, il y a eu en tout et pour tout trois interventions favorables au Polisario, qui sont le fait de deux associations : l'Union internationale de la jeunesse socialiste (IUSY) et une ONG catholique. Les ONG marocaines, elles ont réussi à être beaucoup plus actives et ce à plusieurs niveaux. Il faut savoir que cette année, les effectifs étaient plus représentatifs. En effet, un large éventail d'associations allant d'Afak au Forum Justice et Vérité étaient représentées. Elles ont eu à Rabat une réunion officielle où les règles du jeu ont été précisées. L'Etat facilitait leur déplacement mais sans aucune atteinte à leur liberté de mouvement, mieux, l'accord réalisé stipulait une étanchéité parfaite entre la délégation officielle et les ONG, y compris sahraouies. Pour l'accréditation, l'UAF, l'Union de l'action féminine, a logé la majorité des participants. Il faut savoir que c'est la seule organisation non gouvernementale nationale officiellement accréditée auprès de la Commission. Sur les deux volets, Sahara et droits de l'Homme, le tissu associatif a été omniprésent tant dans les plénières que dans les coulisses et des activités en marge de l'évènement. Un observateur habitué de ces joutes me faisait remarquer que les ONG marocaines ont été parmi les premières à hanter ces couloirs il y a longtemps. Ainsi, il se souvient d'un brillant avocat plaidant les droits de l'Homme au Maroc et dans le monde arabe. Il s'appelait Abaderrahmane Youssoufi. C'était il y a plus de 30 ans. Aujourd'hui, le contexte est totalement différent. Ainsi, quand M. Benzakour, au nom du CCDH, Madame Hajji, au nom de l'OMDH, ont fait leurs interventions, c'était pour parler d'un processus en cours où les réalisations sont importantes. L'action de l'IER a suscité l'intérêt des ONG présentes, qui, souvent, était au courant de ce processus et du débat qui l'entoure. Ainsi, le débat sur la justice transitionnelle fait des ONG marocaines des pionnières dans le domaine. Les divergences entre l'IER et le Forum Justice et Vérité, clairement exposées par ailleurs, ont suscité un énorme intérêt des militants des droits de l'Homme présents. Il est malheureux qu'au Maroc ces divergences soient toujours instrumentalisées de manière politicienne. L'AMDH, présente elle aussi, a pu présenter sa vision sur le processus en cours au Maroc, ses observations et ses critiques. Ce rayonnement marocain, réel même si les cas de torture dénoncés dans le cadre de la Salafiya Jihadia ont été cités, a gêné au plus haut point les adversaires du Maroc. Ainsi, le Polisario a distribué le communiqué de Ali Lmrabet où il traite la justice marocaine de «servile et corrompue» le jour même de sa condamnation, Polisario et RSF distribuaient un communiqué tendant à discréditer Rabat. Hormis cela si en l'on juge pour les contacts avec les ONG encore présentes à Genève, cette affaire n'a pas laissé de traces indélébiles. Ce qui reste, c'est l'image d'une expérience unique dans le monde arabo-musulman, d'une tendance à l'universalité qu'il faut encourager. Le représentants du Polisario pensaient pouvoir discréditer leurs vis-à-vis marocains par la propagande « agents du régime ». Ils ont fait choux blanc parce que les Sahraouis présents avaient un discours bien rôdé. Ainsi, ils refusaient d'aller sur ce terrain et répondaient en substance : «Là n'est pas le problème». J'étais au Polisario et j'ai été torturé, emprisonné pour des divergences politiques. Des centaines de camarades sont dans mon cas, là réside le problème ». Les Sahraouis ont mobilisé tout un réseau d'associations européennes. En premier lieu, il faut signaler l'intense activité du Comité international pour la libération des détenus de Tindouf (CIPT). Cette ONG a organisé une conférence, a participé à la manifestation, a pris la parole en plein air et a multiplié les contacts avec les ONG humanitaires. Dénonçant les effroyables conditions à Tindouf, elle a mis les ONG face à leurs responsabilités. Grâce à la présence d'anciens soutiens du Polisario en son sein, elle a démontré que les ONG étaient au courant des conditions de travail des détenus. Le chapitre déjà entamé par le fameux rapport de France Libertés est le sillon de la mort pour les séparatistes. L'assèchement de l'aide internationale, souvent détournée, est au bout. L'autre association totalement engagée aux côtés des détenus marocains est l'Internationale démocratie du centre. Madame Anna Maria Lervaux, la représentante de cette association, a multiplié les déclarations en ce sens et a adoubé les Marocains pour la prise de parole. Ainsi, le député de Dakhla a été le dernier à intervenir sur le point 17 (promotion et protection des droits de l'Homme ) au nom de l'IDC. Les ONG sahraouies ont été reçues par l'adjoint du président de la Commission des droits de l'Homme à qui elles ont exposé la situation dans les camps et présenté une liste des disparus. Selon les Sahraouis, le Polisario aurait fait disparaître plus de 800 personnes. D'ailleurs, les ONG sahraouies présenteront des demandes précises à la commission qui devra y répondre avant la prochaine session, ce qui les mettra en confrontation directe avec l'Algérie. L'ambassadeur de ce pays voit venir et réagit très mal. Ainsi, lors d'un débat sur la question, il est intervenu pour dire que « Algérie n'est pas concernée et qu'il allait protester auprès de la Commission pour l'octroi de la salle ». Ces signes de fébrilité traduisent un état de fait réel : la propagande algérienne est essoufflée. Il reste désormais aux officiels et ONG à mieux maîtriser les ressorts d'une organisation complexe dont l'importance est cruciale car elle s'attache autant aux gouvernements qu'aux opinions publiques. ------------------------------------------------------------------------ Respecter le travail des gens Il est de bon pour une certaine presse d'ignorer, minimiser, voire tenter de discréditer les associations de Sahraouis marocains, celles-ci seraient, toutes, l'émanation du «Makhzen» peuplée d'opportunités, sans conviction. C'est la pire des injustices faites à de vrais militants. A Genève, plusieurs Sahraouis n'avaient bénéficié d'aucun soutien étatique et ils n'étaient pas les moins actifs. Ces associations ont réussi à convaincre des associations européennes, des personnalités de premier rang, elles ont même «retourné» des associations jadis favorables aux thèses séparatistes. Un travail de fourmi leur a permis d'établir une liste précise des disparus de Tindouf, un panorama exhaustif des violations des droits de l'Homme dans les camps. Grâce à ce travail, elles ont mis le Polisario au pied du mur et réussi, à Genève, à sortir l'ambassadeur d'Algérie de ses gonds. Dire qu'elles sont «contrôlées» est une double erreur. D'abord l'Etat marocain sait, depuis quelques années, que seules les associations crédibles, donc indépendantes, sont utiles. Ensuite, ces militants sahraouis n'ont pas leur langue dans la poche. Ainsi, ils ne cachent pas, même en public, leur irritation face à la position officielle. Celle-ci résume souvent la problématique au cas des 408 soldats encore détenus par le Polisario sur le sol algérien. Or, il y a des centaines de militants sahraouis entrés en dissidence et exposés aux pires exactions. Ces mêmes militants ont un zeste de dépit du traitement médiatique de la manifestation qu'ils ont organisée à Genève. Ils appécient énormément la présence d'une délégation de «Watanouna», ils ne comprennent pas que ce soit cette organisation qui remporte la mise. Par respect pour leur métier, ceux qui tiennent le crachoir à Tamek et consorts feraient bien de s'intéresser à ces Sahraouis revenus de l'enfer.