La première mouture du décret-loi retoquée Rétropédalage du gouvernement. Alors que l'Exécutif réuni en conseil ce lundi devait statuer sur la suspension des dépenses et l'autorisation de plus d'endettement en devise, seule cette dernière partie a été maintenue. Pour les dépenses, le gouvernement s'est contenté d'un exposé de la part de l'argentier du royaume, Mohamed Benchaâboun. La question qui taraudait tout le microcosme politico-économique du pays après la publication de l'ordre du jour du conseil tard dans la nuit de dimanche à lundi concernait les motifs de cette rétractation. Des sources concordantes affirment tout d'abord qu'il s'agissait d'une première mouture envoyée au Secrétariat du gouvernement. Cet avant-projet pouvait donc naturellement subir des modifications avant de le programmer en Conseil de gouvernement. Le deuxième point concerne la décision ayant conduit la révision en profondeur de la première mouture du projet de décret-loi. Plusieurs failles juridiques auraient été relevées dans la première ébauche. Et pour cause. La suspension des dépenses est fortement encadrée d'abord par la loi organique des finances puis par la loi de Finances 2020 en vigueur actuellement. Dans le détail, la première mouture ayant filtré dans la presse ne renvoie pas dans sa base juridique à des articles de loi précis (ndlr: cette base réfère à plusieurs textes automatiquement au début de tout projet de loi pour justifier l'édiction de la loi). Le projet de décret-loi renvoie laconiquement à la loi organique des finances, or la LOF prévoit une disposition claire concernant la suspension de crédit dans le cadre d'une loi de Finances. Plus loin encore, le même texte limite cette suspension à certaines dépenses d'investissement. Concrètement, l'article 62 de la LOF stipule que «lorsque la conjoncture économique et financière l'exige, le gouvernement peut en cours d'une année budgétaire surseoir à l'exécution de certaines dépenses d'investissement. Les commissions parlementaires chargées des finances sont préalablement informées». A noter que les commissions parlementaires n'ont pas été préalablement et publiquement informées, à l'heure ou nous écrivions ces lignes. Les responsables ont dû faire face à une deuxième faille de taille. Elle concerne cette fois-ci la loi de Finances (LF 2020). Cette dernière non seulement limite la suspension des dépenses aux seuls crédits réservés à l'investissement au cours d'un exercice budgétaire mais elle fixe un seuil pour les suspensions à ne pas dépasser par l'Exécutif. Plus concrètement encore, l'article 46 de la LF 2020 dispose que «le gouvernement est autorisé, au cours de l'année budgétaire 2020, à appliquer des réserves de précaution aux crédits de paiement ouverts au titre des dépenses d'investissement du budget général. Le taux de mise en réserve desdits crédits est fixé à 15%». Il faut signaler que ni l'article 46 de la LF 2020 ni l'article 62 de la LOF ne sont clairement mentionnés dans la première mouture du projet de décret-loi ayant filtré dans la base juridique justifiant ce dernier. Le gouvernement réfère seulement à l'article 43 de la LF 2020 autorisant le gouvernement «à procéder au cours de l'exercice budgétaire en cours aux émissions d'emprunts à l'étranger». D'ailleurs, seule cette mesure est maintenue dans le projet de décret qui devrait être adopté dans la soirée par le gouvernement. Existe-t-il cependant des alternatives pour le gouvernement ? La loi autorise ce dernier à recourir à une loi de Finances rectificative pour amender en profondeur le budget. Sauf qu'on n'en est pas encore là pour le moment selon plusieurs sources. Il va falloir attendre encore quelques semaines pour y avoir plus clair, à moins que…