Le président de l'Association pour le développement intégré de la montagne, Youssef Aherdan s'exprime sur la sauvegarde de la nature comme patrimoine national qui appartient à toutes les générations. Interview. ALM : Comme son nom l'indique, votre association s'occupe du développement intégré de la montagne. Comment cette initiative a vu le jour ? Youssef Aherdan : En effet, ADIM (Association pour le développement intégré de la montagne) est une organisation qui s'occupe, comme son nom l'indique, de développement intégré en zone de montagne. Cette dernière est la colonne vertébrale du pays et elle revêt une importance sur le plan historique, socio-économique et environnemental. Sur le plan historique, elle a joué un rôle indéniable dans la préservation de la personnalité marocaine. Elle s'est toujours imposée en barrage à toutes les formes d'invasion. L'initiative pour la création de cette association est venue suite à une journée d'étude organisée le 1er juin 2002 à l'occasion de l'Année internationale de la montagne. Pour ce faire, quelques chiffres édifiants permettront de mieux saisir l'importance de ces zones de montagne et le degré d'exclusion des populations y vivant. 46% des communes du pays, 26% de la superficie, 30% de la population. Avec 70 % des ressources en eau de surface, la montagne marocaine est le château d'eau du Maroc; donc capitale pour le bien être de tous et qu'il est vital que nous prenions conscience de sa protection. Avez-vous des sections locales à travers le Maroc ? ADIM est une association à caractère national. Le siège de l'association est à Rabat et ses membres actuels forment une équipe pluridisciplinaire avec entre autre des agronomes, des économistes, des géographes, des architectes, des médecins et des environnementalistes. Mais comme le chantier est vaste, il est prévu par nos statuts d'ouvrir des sections un peu partout là où il y a des volontaires pour cette noble cause. Nous avons 5 sections en cours de création : Oulmès, Sefrou, Khénifra, Imilchil, Tineghir. L'important, c'est d'étudier, de décider, de réaliser et suivre tous les projets, ensemble, avec les populations cibles. Quelles sont les actions entreprises par votre association pour promouvoir le développement intégré de la montagne ? Vous dites vrai en évoquant le côté crucial des montagnes. C'est d'autant plus vrai pour le Maroc, où elles représentent une barrière naturelle contre l'avancée du désert. L'action principale est justement de stopper cette pression de l'homme sur la forêt ou plus exactement de la ramener à un niveau de durabilité. Pour les personnes non initiées à ce terme de durabilité, il s'agit d'extraire du stock de la ressource ce qui est nécessaire au bien-être des générations actuelles sans pénaliser le bien-être des générations futures. Un élément important pour nous est qu'il y a plusieurs montagnes ou plus exactement plusieurs massifs montagneux avec pour chacun sa ou ses propres spécificités. Donc, partant de là, le traitement des maux est pluriel. Notre but principal, est la recherche de l'amélioration du niveau de vie des populations avec comme corollaire la sauvegarde et la protection de l'environnement de façon globale et de la bio-diversté de façon plus précise. Notre objectif est de créer des espaces de développement intégré et durable. Pour cela, nous cherchons, en partenariat avec les populations de trouver des cultures alternatives moins dégradantes pour l'environnement et générant plus de revenus pour les agriculteurs. En parallèle à l'agriculture, nous travaillons à la valorisation du patrimoine physique et à la revalorisation du patrimoine culturel. Ainsi, le potentiel éco-touristique et l'artisanat sont deux pôles primordiaux à la réussite de nos actions. Dans ce contexte, je voudrai préciser que dans le cadre du développement de l'éco-tourisme, nous rejetons d'avance cette approche du tourisme générant du béton. Ce qui est important pour nous, c'est d'aider les populations à améliorer leur niveau de vie en étant entrepreneur du secteur et non en devenant des employés d'entités étrangères. Actuellement, nous avons entamé une action pilote sur la région d'Oulmès pour la création d'un Parc naturel régional. Pour cela, nous nous inspirons du modèle français mais sans tomber dans l'erreur du copier-coller que l'on rencontre bien souvent au Maroc. En fait, il s'agit de créer un espace de développement durable, un système ouvert où la recherche d'une symbiose parfaite entre l'homme et son environnement naturel est l'élément clé. Quelles sont les difficultés rencontrées par l'association ? Dans le cadre de nos actions sur le terrain, et notamment pour ce qui est du projet d'Oulmès, je dirai que tout va bien pour le moment. Toutes les personnes que nous avons approchées sont partantes pour développer ce type de projets. Que ce soit au niveau des populations, de la willaya, du Conseil régional, des différents départements ministériels directement concernés, des élus locaux ou de la société civile, tout le monde semble engager pour l'aboutissement de ce projet de Parc naturel régional. Donc à ce niveau, pas de problèmes spécifiques. En revanche, et cela est valable pour la plupart des associations qui se créent, c'est la machine administrative qui ralentit et qui, même, peut en arriver à décourager plus d'un. Quel est le rôle de la société civil ? C'est d'agir, d'intervenir là où l'Etat a failli. Il y a une lacune, une carence que des citoyens essaient de combler bénévolement pour faire sortir notre pays de la crise économique et sociale. Une autre difficulté que nous rencontrons, c'est au niveau financier. Je pense que l'Etat, du fait qu'il a failli à certaines de ces missions, doit aider un peu plus les associations. Nous devons nous voir en partenaires et non en concurrents ; c'est sous cet angle-là qu'il faut approcher le problème. Si je devais proposer quelque chose au gouvernement actuel, c'est qu'il veille à la création d'un Conseil supérieur de la vie associative qui serait au service des associations dans un objectif d'encadrement, de formation et surtout de contrôle et de suivi. Je dis cela à l'attention de certaines associations qui se créent à des fins lucratives ou autres. Avez-vous entrepris des contacts avec des ONG internationales actives dans le domaine, en vue d'échanger les expériences ? Nous avons entamé des démarches avec plusieurs ONG internationales, notamment dans le cadre du projet de Parc naturel régional d'Oulmès; entre autres la Fondation des Villes (France) avec qui, et avec l'appui de l'IEP de Paris (Institut des études politiques), un film documentaire sur la région d'Oulmès a été produit. Ce film traite de la problématique actuelle de la zone et essaie de proposer d'éventuelles solutions possibles pour un développement durable ; en l'occurrence la création de ce Parc naturel régional. A cet effet, une projection-débat a eu lieu le 19 avril dernier à l'INAU, que nous remercions vivement de son appui, dans le but de sensibiliser les décideurs publics à notre démarche. Mais pour que ce documentaire ait une réelle portée, nous envisageons d'en faire des copies en tamazight et en arabe dialectal afin de pouvoir toucher les populations et tous les acteurs locaux. Ce n'est qu'en sensibilisant ceux-ci et ceux-là que nous pourrons atteindre notre objectif de développement durable. Sans oublier aussi le Conseil du Parc naturel régional de Corse avec lequel nous avons des contacts pour une éventuelle coopération technique décentralisée.