Mustapha n'aurait jamais pensé qu'il deviendrait un jour criminel. Après la fermeture de l'usine où il travaillait et le départ de son épouse, ce natif de Kasbat Tadla, accro à l'alcool et aux substances psychotropes, tue son voisin qui l'avait carrément agressé pour avoir une cigarette. Tout marchait bien pour Mustapha lorsqu'il travaillait dans une usine de conserves alimentaires à Béni Mellal depuis 10 ans. A cette époque, il était déjà marié et père d'une fille qui représentait tout pour lui. Sa vie était réglée comme du papier à musique et son ménage est au beau fixe. En 2002, l'usine mettra la clef sous le paillasson, remerciant de nombreux ouvriers dont il faisait partie. Comme un malheur ne vient jamais seul, sa femme décide alors de le quitter en compagnie de sa fille pour une destination inconnue. Devenu sans travail et sans famille, il se rabat sur l'alcool à bon marché, de jour comme de nuit, en vue de noyer ses déboires dans des liqueurs nocives. Sa descente aux enfers continue jusqu'au jour du drame qui va faire de lui un meurtrier notoire. En effet, en cette journée de novembre, coïncidant avec l'avènement du mois de Ramadan, il rumine dans sa solitude amère les souvenirs agréables de sa vie conjugale qui emplissait naguère son existence. N'ayant plus de tord-boyaux à sa portée en ce mois sacré, il se procure donc des psychotropes afin qu'il puisse apaiser ses blessures morales encore vivaces. A un moment donné, il tombe en panne de cigarettes, descend en trombe de chez lui pour aller les chercher au vendeur de détail situé au coin de la rue. En prenant le chemin de retour, Mustapha est alors intercepté par un gaillard de son quartier qui exige de lui une cigarette de gré ou de force. Portant bien sa trentaine, cet énergumène, fier de rouler des mécaniques, saisit brutalement Mustapha par le col de sa chemise en le sommant une dernière fois d'obtempérer. Celui-ci, choqué de ce comportement violent, refuse de s'incliner à son ordre pour ne pas lui paraître un lâche individu. Il aurait préféré la lui offrir en d'autres circonstances plus amicales, lui qui ne cède jamais par la force, que son amour propre d'ailleurs ne lui pardonnera en aucune sorte. Tout compte fait, Mustapha rétif jusqu'au bout, payera cher les conséquences de son refus. Il se fait tabasser violemment au milieu d'une foule qui se donne en spectatrice. Mortifié comme il ne l'a jamais été face à tous ses voisins qui le raillent pour son manque de riposte, il prend son mal en patience et remonte chez lui, la mort dans l'âme. Comme si cette agression ne lui suffit pas, son bourreau embouche la trompette du bas de son domicile en claironnant sa victoire à qui veut l'entendre en cette soirée de ramadan. Des paroles pleines d'insultes et d'humiliation parviennent à ses oreilles comme si elles étaient débitées à l'aide d'un porte-voix. Ne pouvant plus se ressaisir à l'égard de ce persiflage qui n'a que trop duré, il se munit d'un couteau de cuisine avant de claquer la porte pour sortir se venger de son impitoyable protagoniste. A peine s'est-il approché de lui qu'il lui porte un coup à son flanc gauche puis un deuxième à hauteur de son bas-ventre qui le fait tournoyer sur lui-même puis basculer par terre dans une mare de sang. L'arrivée de l'ambulance n'aura servi à rien puisque la victime a, depuis peu, rendu l'âme. Mustapha est arrêté par la police judiciaire de Kasbat Tadla avant d'être déféré devant la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Beni Mellal qui l'accusera d'homicide volontaire avec préméditation au courant de ce mois-ci. Cependant Mustapha plaide haut et fort la légitime défense. Seulement, c'est à la justice de dire son mot dans les mois qui viennent en attendant l'instruction de ce dossier.