Rassemblées samedi soir devant le Parlement, plusieurs responsables politiques et militants associatifs, dont un bon nombre d'activistes amazighs, sont venus crier leur colère contre des actes barbares. Rabat, un samedi soir devant l'imposante bâtisse du Parlement. L'heure est généralement réservée à des promenades et au lèche-vitrine. Il n'en est rien ce soir là. Venus en masses, plusieurs centaines de manifestants s'y étaient donné rendez-vous pour crier leur rage à l'égard de la série d'actes terroristes aussi inhabituels qu'abominables et qui avait, la veille, frappé de plein fouet quatre coins de la capitale économique. Citoyens ordinaires-parmi eux des enfants allumant quelques 41 bougies posées par terre - se sont joints comme d'un commun accord, mais de façon spontanée, à des militants de droits de l'homme, des responsables politiques mais aussi et surtout des activistes amazighs. «Non au terrorisme, non au racisme», «Une constitution démocratique, laïque, unifiée», «Wahabisme obscurantiste : un complot de l'Orient»…Les slogans fusaient de toutes parts, confirmées par des banderoles aussi bien en arabe, en tifinagh, en français qu'en anglais. Il aurait été difficile au premier abord de saisir l'objet réel de cette manifestation, n'y avait-il pas eu ces abjectes crimes commis vendredi soir. C'est d'ailleurs l'un de ces fervents activistes amazighs, Mohamed Chakir, chauffeur de taxi de son état , qui nous a résumé la situation : «C'est un rassemblement de tous ceux qui sont pour la démocratie contre tous ceux qui sont pour un modèle unique et qui veulent miner le pluriculturalisme au Maroc». De quoi saisir toute la portée des attentats et toute la menace qu'ils constituent vis-à-vis d'une démocratie à la marocaine, somme toute balbutiante. Une manifestation, la deuxième du genre à avoir lieu dans la même journée, pour faire taire les premiers éclats de bombes terroristes que connaît le pays. « Nous ne pouvons que condamner ces attentats terroristes. Ils ont visé d'innocentes victimes. Ils constituent une agression contre un droit sacré : le droit à la vie », a déclaré Abdelilah Benabdesselam, membre du bureau central de l'Association marocaine des droits humains (AMDH). Partie prenante de cette manifestation, il a qualifié ces opérations de menace à la sécurité et la stabilité du pays. Il y est allé de même pour Khalid Naciri, membre du bureau politique du Parti du socialisme et du développement (PPS). «Notre sentiment est celui de la colère et de l'indignation. Des victimes sont tombées par des mains sales à un moment où le processus de démocratisation en cours a le plus besoin de se consolider. Un processus démocratique que nous avons enclenché consécutivement à d'immenses sacrifices accomplis par les Marocains. Les victimes de ces actes barbares font partie de ces sacrifices-là», a-t-il déclaré sur un ton empreint d'amertume. La gravité de ces attentats prend encore plus d'envergure quand on sait que ce sont bel et bien des Marocains qui les ont commis. Il n'est désormais plus question de dire que le terrorisme est une donnée qui existe partout dans le monde sauf au Maroc. «Le fait que ce soient des Marocains qui aient perpétré ces attentats n'enlève rien au caractère odieux de ces actes. Leur appartenance à ce pays les rend beaucoup plus exécrables à nos yeux», affirme M. Naciri. Pour lui, si la catastrophe est immense, il faut que l'on en tire une leçon : celle qu'il y a péril en la demeure et qu'il faut être vigilant. Vigilance et renforcement de la démocratie et de la justice sociale. Tels sont les mots d'ordre qui éviteraient qu'un tel scénario ne se reproduise. Abdelilah Benabdesselam, qui met ces actes sur le dos les excès de la politique américaine, a tenu cependant à prévenir contre d'autres formes d'excès. «Ces jeunes vivent dans un quotidien marqué par des agressions commises par la suprématie américaine contre l'Afghanistan d'abord et l'Irak par la suite. Ces attaques en sont peut-être la réaction. Mais elles ne doivent en aucun cas servir de prétexte à des violations contre les droits de l'Homme. Ce serait consacrer une régression déjà constatée en la matière, remarque le responsable associatif. Ce n'est pas non plus une raison pour activer la loi anti-terrorisme contre laquelle s'oppose l'AMDH. Le code pénal dispose d'assez de clauses et d'articles pour incriminer et poursuivre les auteurs de ces crimes abjectes», poursuit-il. Pour le responsable du PPS, il existe des forces à travers le monde qui ne voient pas d'un bon œil le fait que le Maroc apparaisse comme une espèce de curiosité dans l'espace arabo-musulman. «Nous sommes décidés à aller avec cette curiosité jusqu'au bout pour construire la société de justice sociale», a-t-il lancé. Un courage qui tient de la volonté de tout un peuple à surpasser cette épreuve. Une chose demeure sûre, la liberté et le bien être social sont la clef qui fermerait à jamais la portes à tous les extrémismes et en ouvrir bien d'autres : celles de la croissance, de l'ouverture et de la tolérance.