Ce qui est déroutant dans cette affaire, c'est que la victime pointe du doigt son père. Plus déroutant encore, elle n'a pas inventé cette histoire, elle porte effectivement les traces de sévices sexuels. Un homme est pris dans un tourbillon judiciaire. Sa vie a basculé brutalement le jour où il a été accusé par son ex-femme d'avoir abusé d'une de ses trois filles. Après sa comparution en état de liberté devant le substitut du Roi près la cour d'appel de Rabat, ce dernier a jugé, après une longue réflexion et selon son intime conviction, que l'accusé doit être mis sous les verrous en attendant l'instruction du dossier et l'ouverture du procès. Or, depuis sa cellule de prison à Salé où il est détenu depuis une dizaine de jours, Mohamed Doukhou clame son innocence, soutenu par un groupe d'amis et de collègues qui ne croient pas que le prévenu, un père modèle à leurs yeux, ait pu commettre un acte aussi ignoble. Ce qui est déroutant dans cette affaire, c'est que la victime pointe du doigt son père. Plus déroutant encore, elle n'a pas inventé cette histoire, elle porte effectivement les traces de sévices sexuels. Donc, il y a bel et bien un coupable. Lequel ? le père, la mère ou une tierce personne ? C'est aux enquêteurs de s'atteler à la tâche difficile de le démasquer en menant les investigations nécessaires au lieu de céder à la facilité en se disant que le coupable est tout désigné. Ces investigations approfondies doivent pouvoir permettre la vérification du bien-fondé des accusations de la gamine et déterminer éventuellement les circonstances ou les pressions qui l'ont poussée à accabler son père. L'enquête doit englober également la mère en sa qualité de plaignante qui a dénoncé son ex-mari auprès de la police. Si cette femme voulait pour une raison ou une autre se venger de son ancien conjoint, elle a déjà atteint son objectif. La réputation de l'homme est gravement entachée et sa vie brisée. Même s'il est acquitté, les séquelles psychologiques ne sont pas faciles à gommer. En cas de mensonge, le même traumatisme risque de toucher la fille, aujourd'hui âgée de 11 ans, lorsqu'elle sera majeure et commencera à prendre conscience de la gravité de son acte envers son père. Un drame familial dont il est difficile de se remettre. Qui paiera les pots cassés ? C'est connu, un enfant n'est pas un saint. Il ne dit pas la vérité. Il dit sa vérité ou la vérité de celui qui l'a mis sous influence. Une affaire similaire où étaient impliqués pas moins de 17accusés a défrayé la chronique en France. Or, 14 d'entre eux, dénoncés par une femme, ont clamé en vain leur innocence avant que la fragilité de la parole des enfants n'apparaisse au grand jour devant les juges après deux mois de débats. Dans ce “dossier d'inceste“ concernant plusieurs familles, la défense a fait ensuite le procès du juge accusé d'avoir bâclé l'instruction et d'avoir “travaillé uniquement à charge“, ignorant les arguments des mis en cause. Ce scandale traumatisant, qui a brisé la vie de nombre de personnes, montre à quel point il faut être vigilant pour ne pas accabler l'accusé, sans preuves irréfutables, sur le simple témoignage d'un enfant. Surtout s'il est utilisé à des fins de vengeance personnelle. Ce qui est tout aussi condamnable.