M. Tommouhi a-il été victime à son tour d'un délit de faciès qui fait d'un "Moro" un lampiste facile ? C'est l'une des affaires judiciaires les plus scandaleuses d'Espagne. Au centre du procès, un résident marocain vivant à Barcelone, Ahmed Tommouhi, qui a vu sa vie basculer dans un cauchemar sans fin après une condamnation sans preuve à une peine de 18 ans d'emprisonnement. Le co-accusé dans le cadre de ce dossier, un compatriote du nom de Abderrazzak Mounib est décédé en prison en 2000 suite à une crise cardiaque. Cette histoire troublante remonte à 1992, soit sous l'époque du gouvernement du Parti Populaire . Depuis cette date, M. Tommouhi est derrière les barreaux. Et pourtant, celui-ci, citoyen jusqu'alors sans histoires, maçon de son état, n'a eu de cesse de clamer son innocence dans une histoire de viols en série dont il est apparemment étranger. En vain. Le cas Tommouhi a mobilisé dès le début un large comité de soutien local qui, croyant dur comme fer qu'il a été injustement jeté en prison, s'est bagarré pour mettre fin à son incarcération. Rien n'y fait. Les sympathisants du détenu, dont des journalistes, qui ont consacré à son drame plusieurs articles considèrent que la justice de leur pays a fait preuve dans ce dossier d'une grave confusion née de la ressemblance entre le vrai suspect et Ahmed Tommouhi. Mais qu'importe ! Il sera condamné sur la seule base de l'identification faite par certaines victimes qui l'ont pris sous l'effet de l'émotion pour le vrai violeur. Selon toute vraisemblance, les enquêteurs n'ont pas cherché à approfondir leurs investigations : ils tiennent le coupable idéal qui plus est un Marocain qui travaille dans les chantiers de construction. Pourquoi alors chercher loin ? Cette affaire rappelle une autre qui avait défrayé la chronique en France, celle du jardinier marocain Omar Raddad envoyé à l'ombre injustement pour le meurtre de sa patronne Ghislaine Marchal. M. Tommouhi a-t-il été victime à son tour d'un délit de faciès qui fait du “Moro“ un lampiste facile ? Tout porte à le croire étant donné les circonstances dans lesquelles se sont déroulés l'enquête policière et le procès judiciaire où tout a été bâclé. Plus grave encore, la lourde peine dont il a écopé en première instance, a été confirmée par les autres voies de recours. Ne reste plus que la grâce pour lui rendre sa liberté. Mais celle-ci ne viendra pas malgré les multiples demandes formulées par l'intéressé. Ironie du sort, le PSOE actuellement au pouvoir, qui avait dénoncé son incarcération du temps où il était dans l'opposition, tarde à réparer cette injustice flagrante. De leur côté, les autorités marocaines notamment diplomatiques n'ont jamais bougé le petit doigt pour défendre un homme innocent livré à lui-même qui a perdu 14 ans de sa vie. Il semble que la justice espagnole ne veut pas reconnaître son erreur au risque de se déjuger. Pour éviter cela, elle a proposé au prisonnier la liberté conditionnelle. Cet arrangement reviendrait pour M. Tammouhi à reconnaître sa culpabilité. Ce qu'il a refusé. Il est en droit de demander non seulement d'être gracié et réhabilité mais aussi indemnisé pour les nombreuses années passées arbitrairement derrière les barreaux loin de sa famille et de ses enfants. C'est la moindre des choses lorsqu'on aura été victime d'une pareille injustice judiciaire.