En organisant un référendum constitutionnel dimanche en Tchétchénie, Moscou entend consacrer définitivement l'appartenance de ce territoire à la Russie. En annonçant en décembre dernier la tenue d'un référendum dans la République autoproclamée indépendante en 1991, le président russe avait écarté tous les appels en faveur d'une reprise des négociations avec les rebelles tchétchènes. Pour justifier ce refus du dialogue, M. Poutine avait alors imputé la sanglante prise d'otages (plus de 170 morts après l'assaut des militaires russes) intervenue dans un théâtre moscovite en octobre 2002, au président séparatiste Aslan Mashkadov. Lequel avait déjà été désavoué par le Kremlin et remplacé par une administration pro-russe dès le déclenchement du second conflit en 1999. Tout en intensifiant les opérations militaires dans le pays, Vladimir Poutine a donc imposé son plan de paix et promis d'organiser des élections présidentielle et législatives, à l'issue d'un référendum censé modifier la Constitution de la république. Le contenu du décret signé le 12 décembre n'a jamais été dévoilé mais le président russe a promis dimanche dernier, dans un discours adressé aux Tchétchènes, qui leur serait accordée «une large autonomie». Reste la grande inconnue : la population prendra-t-elle réellement part au scrutin de dimanche dans la mesure où celui-ci est destiné à réintégrer la Tchétchénie dans le giron russe ? Dans son allocution télévisée, M. Poutine a souligné qu'une large amnistie serait mise en place, «donnant à tous la possibilité de revenir à la vie civile». «L'avenir de vos enfants et petits-enfants est entre vos mains», a ajouté le président russe, insistant sur la nécessité pour les Tchétchènes de se rendre aux urnes. Et de «faire le bon choix»… Et pour convaincre la population, le chef du Kremlin a souligné qu'elle ne devait plus «vivre dans la peur, s'effrayer quand on frappe à la porte, se cacher lors de ce qu'on appelle les ratissages» effectués par les soldats russes. Les forces fédérales ne doivent pas «racketter la population civile, mais lutter contre la criminalité» a-t-il ajouté, faisant pour la première fois référence aux exactions commises par son armée. A un an de l'élection présidentielle russe de 2004, le chef d'Etat est lui-même dans l'obligation de trouver une issue à ce conflit qui perdure depuis octobre 1999 -après une première guerre entre 1994 et 1996- avec son lot de pertes en vie humaines et de violations des droits de l'Homme. Critiqué par la communauté internationale, Vladimir Poutine s'est aussi retrouvé face à une population lassée. Mardi, quelque 60 personnalités du monde culturel russe ont encore lancé un appel à la fin de la guerre. «Les morts de milliers de soldats et d'officiers russes, de dizaines de milliers de civils et la destruction de toute la Tchétchénie ne peuvent pas être justifiés par des intérêts d'Etat ou par des arguments sur la menace du monde terroriste» soulignaient les signataires de cet appel aux négociations, parmi lesquels le champion d'échecs Garry Kasparov, le réalisateur Piotr Todorovski ou encore l'écrivain Fazil Iskander. La journée de dimanche servira-t-elle d'épilogue ? Les Tchétchènes diront en tout cas s'ils acceptent ou non de réintégrer la Fédération de Russie, tout en ayant -a promis le président- leurs propres président et Parlement.