Pour « décapiter » le plus vite possible le pouvoir de Saddam Hussein, les frappes seront concentrées sur son entourage immédiat. Les stratèges de l'Administration Bush misent sur une guerre éclair. Lorsque les combats commenceront en Irak, les forces terrestres américaines surgiront du Koweït à travers le désert, tandis que les bombes de précision et missiles pleuvront sur les centres du régime à Bagdad. Les cibles principales seront les unités militaires d'élite, les services de sécurité, les bunkers de commandement, les réseaux de communications, les aérodromes et installations de DCA. C'est à travers le désert que les forces terrestres américaines surgiront du Koweït. Objectif : casser la volonté de résistance du régime baasiste, tuer Saddam ou l'isoler en le coupant de ses forces, et l'empêcher d'activer d'éventuelles attaques biologiques ou chimiques. Elaboré par des analystes militaires à partir de fuites dans l'administration américaine et de déclarations officielles, ce scénario d'une guerre éclair constitue la carte maîtresse du Pentagone. Au début du mois de mars, le chef d'état-major interarmes, Richard Myers a déclaré vouloir une guerre courte. Plus courte en tout cas que la première guerre du Golfe de six semaines en 1991. « Le mieux sera d'infliger un tel électrochoc au régime irakien qu'il comprendra vite que la fin est inévitable », a-t-il dit. Cependant, la décision finale de la Turquie, dont le Parlement a refusé le stationnement de forces américaines en vue d'un second front nord en Irak qui permettrait de raccourcir la guerre en prenant les armées irakiennes en tenaille, demeure prépondérante. Mais les militaires affirment avoir d'autres options au nord et assurent pouvoir facilement l'emporter de toute façon avec les armadas et les 255.000 soldats déployés dans la région, surtout dans le Golfe. Américains et Britanniques semblent en tout cas d'accord pour lancer des offensives simultanées dans plusieurs directions avec des divisions blindées et mécanisées, des forces spéciales et d'infanterie légère héliportées, parallèlement aux bombardements, en principe « chirurgicaux ». Les experts espèrent que les progrès depuis douze ans en matière de surveillance, de munitions de précision, de renseignements, vont payer. La prudence reste cependant dominante. Pour éviter une sanglante guerre de rues, il faut que le régime assommé par des frappes démesurées rend les armes très vite, selon les experts. Le Pentagone veut éviter des destructions (comme celles des puits de pétrole koweïtiens en 1991) afin de préparer dans les meilleures conditions, la reconstruction de l'après-Saddam. Afin d'y parvenir, des unités spécialisées devraient s'emparer rapidement des champs de pétrole de Roumaïla, au sud, et de Kirkouk et Mossoul, au nord. Les commandos devraient aussi faire la chasse aux armes de destruction massives, aux missiles Scud et faire le lien, au nord, avec les milices kurdes. Mais c'est à travers l'Euphrate et le Tigre que le gros de l'armée de Terre devrait cependant bondir. Avec ses chars M-1 encadrés d'hélicoptères d'attaque Apache, les GI's fonceront droit sur Bagdad. Au même moment, les bombardiers écraseront les colonnes irakiennes qui ralentiraient leur marche. Contrairement aux quelque 100.000 hommes loyaux au régime (Garde républicaine), l'armée régulière irakienne ne devrait guère offrir de résistance. Mais les Irakiens pourraient retarder l'avance des forces américaines en faisant sauter barrages et digues dans le Sud marécageux, en lançant des attaques bio-chimiques, ou en poussant des hordes de réfugiés affolés vers les troupes alliées. Pour le moment, les feux restent braqués sur la région qui risque de s'embraser dans les plus brefs délais.