Le nouveau Premier ministre turc a pris ses fonctions dans un climat particulièrement tendu. Les Etats-Unis pressent toujours Ankara de donner l'aval officiel à leur déploiement militaire. Washington va-t-il pouvoir utiliser le sol turc pour attaquer l'Irak à la fois par le Nord et le Sud (le Koweït) ? Depuis le retour sur la scène politique de Recep Tayyip Erdogan, les spéculations vont bon train, le nouveau Premier ministre, qui prenait officiellement ses fonctions mercredi, ayant souvent répété qu'il était favorable à un tel déploiement. La vraie question est donc : à quel prix ? Le leader du parti islamiste au pouvoir va-t-il de nouveau faire montée les enchères après l'échec de son bras droit et prédécesseur Abdullah Gül ? L'une des premières décisions majeures de M. Erdogan sera de convoquer ou non le Parlement qui avait rejeté un premier projet gouvernemental, le 1er mars. Auquel cas, le Premier ministre devra au préalable remanier son équipe et s'assurer de l'unanimité d'un nouveau vote. Chose qui est loin d'être sûre étant donné la contestation croissante à l'intérieur de l'instance législative et au sein de la population turque. Pour convaincre, M. Erdogan devra surtout proposer une offre financière plus alléchante que les 30 milliards de dollars jusqu'alors promis par les Etats-Unis, alors que son pays est pressé par le FMI d'accélérer ses réformes économiques. Les discussions à ce sujet allaient bon train mercredi entre Ankara et Washington, notamment sur la question de l'utilisation de l'espace aérien turc. Avec l'aval de la puissante institution militaire du pays, une cinquantaine d'avions américains et britanniques sont toutefois déjà présents sur la base d'Incirlik, au sud de la Turquie. Le déploiement des troupes au sol – qui devrait atteindre 62.000 fantassins - est aussi effective depuis plusieurs semaines. Mercredi, des gendarmes turcs ont même repoussé des manifestants qui tentaient de pénétrer dans le port d'Iskenderun (sud) où les Etats-Unis débarquent leur matériel. « Yankee Go Home » criaient les opposants à une guerre qui paraît pourtant déjà en route.