Le bras de fer entre Ankara et Washington sur le prix à payer pour attaquer l'Irak à partir du territoire turc se poursuit dans une ambiance d'incertitude et de surenchère. Les Arabes tentent de sauver la face et de convoquer enfin un sommet. Ankara a marchandé ferme son soutien logistique aux Etats-Unis qui préparent fermement la guerre à l'Irak, jouant la montre dans le but de décrocher un maximum de dollars à travers une nouvelle rallonge à l'aide économique de plusieurs milliards de dollars déjà promise par Washington. Appelé à réagir à une déclaration de l'ambassadeur américain selon laquelle «le facteur temps est d'une importance vitale pour nous», le Premier ministre adjoint turc a répliqué que ce n'était pas le cas pour son gouvernement. La Turquie, seul Etat membre de l'OTAN à partager une frontière avec l'Irak, réclame une aide financière des Etats-Unis pour compenser d'éventuelles pertes dues à la guerre. Ankara continue de se refuser d'autoriser le déploiement de fantassins américains en Turquie avant la conclusion de cet accord financier. Les divergences sur cet aspect financier sont énormes. La Turquie estime à plus de 40 milliards de dollars son manque à gagner depuis la première guerre du Golfe contre l'Irak en 1991, en raison des sanctions économiques, imposées par les Etats-Unis, qui frappent ce pays. Si un accord n'est pas trouvé rapidement, Washington pourrait être conduit à abandonner sa stratégie à double front et se passer d'attaquer l'Irak à partir du Nord, c'est-à-dire du territoire turc. Ce n'est pas chose facile. En effet, les experts militaires estiment qu'une attaque à partir du seul front Sud, celui notamment du Koweït augmente les risques d'un enlisement et d'un conflit long et coûteux en vies humaines pour les Etats-Unis. Cependant, la Turquie joue un jeu très dangereux car elle risque d'altérer ses relations avec un allié stratégique et de ne bénéficier finalement d'aucune aide alors que les Etats-Unis mèneront de toutes les façons leur guerre contre Saddam Hussein. Mais, les Etats-Unis ont particulièrement manqué de tact. « C'est comme s'ils avaient dit nous sommes la superpuissance et vous feriez mieux d'obtempérer », commente un politologue turc. D'après certaines sources, l'Administration Bush aurait proposé 6 milliards de dollars, comme don, et 20 autres milliards de garantie de crédit auprès de banques privées. Le gouvernement turc exigerait pratiquement le double. Le chef du PJD turc au pouvoir, Recep Taeb Erdogan a réaffirmé ne pas envisager de vote au Parlement sur la question avant le prochain rapport au Conseil de Sécurité des inspecteurs en désarmement de l'Irak, en principe fin février. Il a aussi averti l'Administration Bush que la Turquie n'était pas engagée de façon automatique et irréversible aux côtés des Etats-Unis. Mais, le Secrétaire américain à la Défense, Donald Runsfeld s'est déclaré convaincu qu'Ankara «en viendrait à coopérer d'une manière ou d'une autre» en cas de guerre en Irak. Sur le terrain, les inspections se poursuivent sans problèmes majeurs. Les experts onusiens ont à nouveau visité des usines d'assemblage des missiles As-Somoudd 2, dont la portée dépasse les 150 km autorisés par l'ONU. Bagdad est disposé à les détruire. Le monde arabe, après biens des hésitations, tente de réunir un Sommet extraordinaire. Bahreïn va le convoquer le premier mars. Devant le Conseil de Sécurité, l'écrasante majorité s'est prononcée contre la guerre isolant encore un peu plus les tenant d'une ligne radicale contre Bagdad. Qui continuent de travailler sur le principe d'une nouvelle résolution des Nations unies en forme d'ultimatum à Saddam Hussein.