La population carcérale atteint le nombre de 83.757 en 2018. Par rapport à 2017, elle a augmenté de 655 détenus. A elle seule, la prison Al Arjat 1, qui a une capacité de 1.200 détenus, abrite 2.461, soit un taux d'occupation de 205%. Ledit nombre comprend 32.732 prévenus, qui représentent 39,08% de l'ensemble de la population carcérale. «C'est inquiétant !», martèle, mercredi à Rabat, le président de l'Observatoire marocain des prisons (OMP), Abdellatif Rafoua, à propos de ces prévenus lors de la présentation des rapports sur la situation des établissements pénitentiaires et des détenus ainsi que sur les doléances de ceux-ci cofinancés par l'Union européenne. Parmi les 83.757, 51.025 détenus sont condamnés et contraints par corps, soit 60,92% de l'ensemble de cette population comme le précise le président qui présente également les particularités de ces documents. Les nouveautés des rapports A propos de ces doléances et plaintes, l'orateur, qui indique que l'OMP a également eu recours aux données de la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion, précise que celles-ci sont traitées par l'Observatoire «pour la première fois sous un angle sociologique». Selon M. Rafoua, cette structure note également qu'une «grande catégorie de détenus a des sanctions de court terme». « Il est de notre devoir d'évoquer le personnel dans les établissements pénitentiaires», ajoute-t-il. Comme le précise le président, les ressources humaines sont également traitées dans les rapports présentés. Avant de les aborder, il abonde en chiffres. 931 parmi les détenus sont des femmes condamnées Dans les 76 établissements pénitentiaires, 931 femmes détenues sont des condamnées parmi les 51.025 détenus. Quant à celles qui sont condamnées à mort, elles se chiffrent à 2 sur 72 en 2018 contre 73 en 2017. De plus, sur les 1.907 femmes incarcérées, 55 sont enceintes, 103 sont accompagnées d'enfants et 56 ont accouché dans les prisons en 2018 selon les chiffres de la délégation. 64% des détenues sont âgées entre 20 et 40 ans. Les femmes mariées sont en tête. Elles sont suivies des célibataires puis des divorcées et veuves. Pire encore, 51% des femmes incarcérées sont en chômage comme le détaille le président de l'Observatoire qui appelle à «reconnaître la situation de cette catégorie vulnérable». 1.015 détenus étrangers au Maroc Cette structure s'est également penchée sur les détenus étrangers dans les prisons. Leur nombre s'élève à 1.015 dont 83 femmes. Ils proviennent d'Afrique, d'Europe, du Moyen-Orient, d'Asie et d'Amérique. C'est l'Afrique qui occupe la 1ère place avec un total de 610 détenus dont 209 ressortissants nigériens. «Nous avons préparé un guide pour cette catégorie et avons contribué à des déportations», avance M. Rafoua. Quant à l'Europe, elle occupe la 2ème place avec 232 détenus dont 70 ressortissants français. De plus, 58,03% des détenus étrangers sont condamnés pour des crimes relevant des lois spéciales et 16,75% pour des délits financiers. 1.224 mineurs détenus et 180 décès en 2018 Comme le précise l'intervenant, le nombre des mineurs détenus en 2018 s'élève à 1224, soit 1.,6% de la population carcérale. L'orateur aborde également la mortalité dans les prisons. Dans la même année, le nombre de décès a atteint 180 dont 176 hommes et 4 femmes. 5,6% des décès sont survenus en détention. «Il y a intérêt à détecter les raisons de la mort en détention», estime le président qui précise également que le nombre de grèves de faim a atteint 1.573 cas en 2018 en s'appuyant sur les chiffres de la délégation. 67% des cas de grève sont liés à la nature des poursuites judiciaires et jugements rendus. 28% des cas étant liés à la situation vécue dans les prisons. A propos de la grâce, le président précise que le nombre des bénéficiaires s'est élevé à 4.080 détenus en 2018 contre 3.611 en 2017, soit une hausse de 469 bénéficiaires en 2018. Quant au nombre de remises en liberté conditionnelle, il s'est élevé à 12 décisions en 2018 sur 657 dossiers soumis au ministère de la justice contre 6 décisions sur 745 dossiers en 2017. 635 plaintes ont la maltraitance pour objet A propos des plaintes, M. Rafoua, qui s'appuie de nouveaux sur les chiffres de la délégation, précise que leur nombre est de 635 pour la maltraitance, soit 40% des plaintes. Celles ayant trait à la privation des soins de santé sont de 347, soit 23% des plaintes. Quant à celles relatives aux conditions de détention, elles sont de 233, soit 7% des plaintes. «L'Observatoire appelle à développer les règles de traitement des plaintes. Nous avons déjà commencé sur notre plate-forme à recevoir des plaintes», précise le président. Selon ses dires, l'Observatoire a reçu et traité en 2018, 179 dossiers. Ceux-ci concernent entre autres 54 plaintes pour transfert vers d'autres prisons. «Les doléances parvenues à l'OMP et liées à des mauvais traitements représentent 27% du total des doléances reçues», enchaîne-t-il en formulant des recommandations. Observations et préconisations M. Rafoua, qui livre des constats à partir de visites de terrain, sur entre autres la différence des patronymes de mineurs entre la détention et l'incarcération, recommande l'amélioration des conditions de détention. Pour l'Observatoire, cette amélioration exige une harmonisation complète du système juridique national avec les normes internationales. «Nous travaillons avec la présidence du parquet général sur l'harmonisation», avance l'orateur. L'Observatoire recommande également de mettre en œuvre les nouvelles dispositions de la loi 23-98 sur les établissements pénitentiaires et d'œuvrer à la réforme de l'arsenal juridique pénal relatif aux droits des détenus. Cette structure préconise entre autres d'accélérer l'instauration du mécanisme national de prévention, mener des enquêtes urgentes sur les cas de décès et de maltraitance. L'OMP recommande de plus de fournir plus d'efforts pour protéger les femmes et de promulguer des textes en faveur des mineurs. Il préconise aussi d'adopter les peines alternatives non privatives de liberté. «L'Observatoire plaide pour l'allocation de ressources humaines et financières nécessaires au système d'assistance juridique par la mise en place d'un fonds national de soutien juridique», conclut le président.