La France et les Etats-Unis ont engagé une nouvelle épreuve de force au Conseil de sécurité sur l'Irak. Ces derniers ont fait circuler un nouveau projet de résolution qui ouvre la voie à la guerre, en affirmant que Bagdad est en situation de violation patente de la résolution 1441. Ce n'est pas l'avis de Paris, soutenu par Moscou, Pékin et Berlin, qui a déposé un mémorandum qui réaffirme que la guerre ne doit intervenir qu'en dernier recours. «L'Irak doit désarmer et sa coopération, complète et active, est nécessaire», souligne le texte qui réaffirme que «les inspections ne peuvent se poursuivre indéfiniment». Une nouvelle réunion, à huis clos, du Conseil de sécurité est programmée pour demain, jeudi. Aucun vote n'étant attendu avant deux semaines, cette initiative donne le coup d'envoi d'une période d'intenses échanges diplomatiques, car une majorité des quinze membres du Conseil de sécurité est jusqu'à présent contre l'option militaire. Ils jugent, en effet, infondée «la logique de guerre» du projet de résolution américain et proposent à travers un mémorandum le prolongement du régime des inspections pendant au moins quatre mois. «Nous avons pris connaissance du projet de résolution. En vérité, nous ne voyons rien dans la situation actuelle qui justifie une nouvelle résolution», a déclaré le Président Jacques Chirac, à l'issue d'un dîner de travail avec le Chancelier allemand Gehrard Schröder à Berlin dans un restaurant qui porte bien son nom : «la dernière chance». Jusqu'à présent, la Bulgarie est le seul membre non-permanent du Conseil de Sécurité à se déclarer partisan de la position défendue par les Etats-Unis. Les autres soutiennent la France et s'opposent à la guerre à tout prix. La Syrie, le Cameroun, le Pakistan, le Chili, l'Angola et la Guinée, qui siègent au Conseil de sécurité, et font partie du Mouvement des Non-alignés se sont élevés hier contre la logique de guerre et se sont prononcés pour la poursuite des inspections de l'ONU. Optimiste, la Chine a estimé qu'il restait un terrain d'entente parmi les membres du Conseil, qui sont d'accord sur la nécessité de désarmer l'Irak et de renforcer la pression pour obtenir que ce pays coopère. «La situation n'est pas totalement bloquée», a déclaré son ambassadeur à l'ONU. Les Américains doivent réunir neuf votes au Conseil pour que soit adoptée leur résolution, dans l'hypothèse où Paris, Moscou et Pékin n'utiliseraient pas leur droit de veto. C'est pourquoi l'Administration américaine accroît la pression sur les Nations unies. «C'est le moment pour cette Organisation, dont nous espérons qu'elle perdurera, de déterminer si elle demeurera pertinente pour faire face aux menaces du XXIe siècle», a déclaré le Président Bush. Si la deuxième résolution ne persuade pas Saddam Hussein de désarmer, l'exil sera la seule solution diplomatique qui lui restera pour éviter une guerre, a affirmé pour sa part sa conseillère pour la Sécurité nationale, Condoleezza Rice. Elle a néanmoins estimé qu'une telle éventualité était improbable. Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld a fait savoir que le déploiement naval massif des Etats-Unis dans la région du Golfe a atteint une centaine de navires de guerre et sera bientôt complété par l'arrivée en Mer d'Oman d'un cinquième porte-avions, le Kitty Hawk, venant du Japon. Il estime par ailleurs que le nombre personnes déplacées en Irak en cas de guerre pourrait atteindre deux millions. Dans ce scénario catastrophe, l'opposition irakienne, pro-américaine, qui s'est réunie hier dans le Kurdistan irakien, craint d'être lâchée par Washington. Ils se souviennent de la « trahison » des Etats-Unis qui ne les ont pas aidés à renverser Saddam Hussein, en 1991. Après avoir poussé l'opposition irakienne a présenté un front uni, les Etats-Unis leur donnent maintenant l'impression de les sacrifier en faisant des concessions à la Turquie, a affirmé un opposant kurde. Alors que ses forces continuent de se masser dans le Golfe, Washington vient d'obtenir du gouvernement turc qu'il demande à son Parlement d'autoriser le déploiement des soldats américains en Turquie. Les opposants irakiens ont bien raison de se méfier.