La résolution élaborée par les Etats-Unis sur l'Irak est difficilement acceptable pour des membres permanents du Conseil de Sécurité qui rejettent l'usage automatique de la force. Les Nations Unies ont repoussé hier mardi un appel des Etats-Unis de reporter le retour en Irak des inspecteurs en désarmement de l'ONU, rappelant que leur mandat avait été fixé par le Conseil de Sécurité. «Nous sommes l'organe technique d'inspection du Conseil de Sécurité et nous prendrons nos instructions du Conseil», a déclaré un porte-parole des inspecteurs à Vienne. Le secrétaire d'Etat Colin Powell avait demandé lundi aux inspecteurs en désarmement de l'ONU de suspendre leur éventuel retour en Irak en attendant l'adoption par le Conseil de Sécurité d'une résolution définissant un nouveau régime des inspections. Les inspecteurs avaient entamé lundi à Vienne avec une délégation irakienne des discussions techniques pour préparer leur première mission en Irak après quatre années d'absence. Ils prévoient d'effectuer leur première visite autour de la troisième semaine d'octobre, a indiqué un diplomate de haut rang. Un projet de résolution américano-britannique doit être déposé ce mercredi au Conseil de Sécurité. Washington et Londres poursuivent leurs efforts pour faire accepter cette nouvelle résolution obligeant Saddam Hussein à ouvrir dans les trente jours tous ses sites soupçonnés de receler des armes de destruction massive. En cas de refus de Bagdad de se plier aux injonctions des experts, qui pourraient bénéficier d'une protection militaire internationale, le projet de résolution prévoit de recourir à «tous les moyens nécessaires pour rétablir la paix internationale et la sécurité». Allusion à un recours à la force. «Les inspecteurs doivent pouvoir aller partout, à n'importe quel moment, parler à qui ils doivent parler, avoir accès aux documents qu'ils doivent voir afin de trouver ce que les Irakiens ont bien pu faire», a souligné Powell. Les grandes lignes de ce projet de résolution ont fait l'objet d'intenses consultations diplomatiques, avec l'envoi d'émissaires américains et britanniques à Paris et Moscou, deux capitales hostiles à un recours automatique à la force. Les responsables américains ont confirmé que leur préférence allait à l'obtention d'une résolution unique fixant les demandes faites à Bagdad et les conséquences en cas d'infraction, mais sans écarter la possibilité d'agir en deux temps, c'est-à-dire en présentant deux résolutions, pour éviter un veto français ou russe. Cette démarche est difficilement acceptable par l'Irak. À Bagdad, on continue à affirmer qu'une frappe américaine viserait en fait tous les Arabes. En cas d'attaque, il serait très difficile de contrôler la situation et la pagaille gagnerait l'ensemble de la région, assure de son côté la Syrie. Ce n'est apparemment pas le point de vue de l'Iran, qui assurait hier qu'il ne s'opposerait pas à une attaque militaire contre l'Irak, mais n'en profiterait pas non plus aux dépens de son voisin. «Nous sommes contre la guerre, mais nous n'allons pas nous y opposer par la force», a déclaré le ministre iranien de la Défense. Il explicitait, lors d'une conférence de presse le principe de «neutralité active» formulé la veille par le ministre iranien des Affaires étrangères pour expliquer la politique de son pays dans la crise iranienne. En outre, «l'Iran ne participera à aucune action militaire contre l'Irak, même s'il existe une résolution du Conseil de Sécurité», a-t-il dit avant d'ajouter que la présence américaine dans le Golfe constituait «un facteur d'instabilité pour la région». Le ministre, qui avait déjà appelé les Etats-Unis à «ne pas franchir les lignes rouges» entre l'Iran et l'Irak en cas d'action militaire, a réaffirmé que «les forces armées iraniennes sont prêtes à faire face à toutes les conséquences, aussi bien aux frontières qu'à l'intérieur du pays». Pas très loin de Téhéran, la Turquie est très engagée dans ce conflit. L'Irak ne considèrera plus Ankara comme capitale amie si elle décide de mettre ses bases à la disposition des Etats-Unis en cas d'action militaire contre son pays, a déclaré hier à la presse le vice-Premier ministre Tarek Aziz. «Les intérêts de la Turquie ne permettront pas aux Américains de menacer un pays voisin et ami», a-t-il ajouté. Apparemment, nous sommes encore loin de l'option militaire. Les gouvernements américain et britannique préfèrent une seule résolution de l'ONU «qui ne prévoirait en aucune manière l'usage automatique de la force», a fait savoir hier Londres. «Il y a une question sur le choix d'une résolution ou deux», a déclaré le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw. «Nous avons présenté des éléments de texte à nos partenaires qui pourraient ou non former deux résolutions», a-t-il précisé. Les grandes lignes de ce projet ont fait l'objet d'intenses consultations diplomatiques au cours des derniers jours. Des diplomates américains parlant sous couvert de l'anonymat ont indiqué que Washington pourrait accepter de présenter deux résolutions sur l'Irak au Conseil de Sécurité de l'ONU pour déjouer un éventuel veto.