Avec le désert comme source d'inspiration, Zouheir Ibn El Farouk a entamé, il y a plusieurs années, une entreprise inédite : photographier ce qui est en dehors de la photographie. Portrait. Du fin fond des dunes de Merzouga jusqu'aux églises de Paris, Zouheir Ibn El Farouk, artiste méconnu du bataillon entame depuis plusieurs années une traversée du désert plutôt atypique. La quarantaine tapante, plutôt belle gueule du cinéma, Zouheir n'a cessé lors de ses innombrables voyages dans le Sud marocain de capter les lumières et les couleurs de cet espace énigmatique : le désert. Le résultat est plutôt surprenant : des clichés insaisissables et franchement fascinants. Pour l'artiste, il s'agissait surtout de trouver un consensus entre sa quête spirituelle et sa passion pour la photographie. Avec le désert comme espace d'envoûtement. Le décor est ainsi planté, l'expérience de Zouheir repose néanmoins sur une vision. Celle-ci se structure et s'entend sur trois temps complémentaire : le temps de la résonance, celui de la transparence et celui de la matière. Au départ, c'est le temps de la résonance qui fut son premier temps de quête. Un temps dans lequel Ibn El Farouk retrace une œuvre accomplie dans le désert marocain. Dans cet espace de tous les vides, Zouheir guette cette rythmique qui se dérobe aux regards mais qui s'est abritée, telle une confidence dans la rétine de son appareil. Son acte clandestin, il le commet toujours dans des conditions impossibles, à travers une tente désertique. Le résultat est indicible : des enclaves noires dans un océan de lumières, des mouvements qui dérogent à la réalité figée des sables, de la plénitude à profusion là où le vide est règle. « D'un doigt, il commande des photos impossibles, des photos impensables, des photos interdites», écrit de lui l'écrivain Camille Fallen. Parallèlement, et dans le monde plutôt civilisé, l'artiste s'affiche par-ci par-là. Il participe, depuis 1997, à des expositions collectives et enchaîne aussi des expositions personnelles : «Vibrations anticipées» à l'Institut Cervantès de Casablanca en 1998 et «Un regard, deux espaces et des résonances» à Paris en 2002. En effet, Ibn El Farouk obtient en 2001 une bourse du ministère de la culture pour faire des études en photographie à Paris. Il décroche une année plus tard une maîtrise des arts visuels et s'installe à la Cité des arts. Entre temps, la quête continue. Et change de rime et de bord. Paris est le nouveau théâtre et le deuxième temps dans l'expérience de notre artiste : celui de la transparence. Des mois durant, Zouheir guette les églises, derniers temples de la spiritualité dans la ville lumière. Mais l'appel du désert reste toujours présent. À travers l'acte photographique, son œuvre parisienne tente d'appréhender les correspondances visuelles qui surgiraient de la juxtaposition de ces deux espaces totalement opposés. Objectif : mettre la lumière sur leur résonance au terme de parenté, de parallèle de rencontre ou de rupture. Mais l'expérience d'Ibn El Farouk garde encore un goût d'inachevé. Lui-même déclare : «Bien que l'entreprise à mener ne soit pas encore fixée dans ses termes, il s'agira néanmoins pour moi de tenter de faire fi de la couleur et de la lumière». L'objectif est «de montrer la matière dans sa nudité, dans sa vérité, sans détour». Pour lui, ce troisième temps sera donc «celui où la rupture entre peinture et photographie sera définitivement consommée». Bon courage.