La décision royale d'autoriser les pêcheurs de Galice, victimes d'une marée noire, à pêcher dans les eaux territoriales marocaines a enclenché la dynamique de la normalisation des relations entre les deux pays. Mais, le dossier de la pêche, qui était au centre du contentieux de part et d'autre de la Méditerranée, revient sur le tapis des négociations. Les équipes techniques et les chancelleries préparent les scenarii de nouveaux accords en la matière. à confirmer. À la faveur du réchauffement des relations maroco-espagnoles, le dossier de la pêche est-il en train de revenir sur la table des négociations ? Des informations émanant de certains milieux ibériques font déjà état, comme gage de restauration de la confiance entre les deux parties, de la possibilité d'un retour de la flotte ibérique dans les eaux marocaines dans le cadre de nouvelles modalités. Abandon de l'accord de pêche classique sur la base d'une compensation financière contre l'accès à la ressource halieutique pour une nouvelle formule jugée plus profitable axée sur la création d'entreprises mixtes maroco-espagnoles avec un statut spécial. En fait, cette forme de partenariat privé n'a rien de neuf, dans la mesure où le Maroc a tenté de l'encourager comme alternative à la reconduction de l'accord de pêche que Madrid a tenté, en vain, de faire arracher en 2000. Les armateurs marocains opérant notamment dans la pêche hauturière ne voient pas a priori d'un mauvais œil ce type de partenariat à condition qu'il se déploie dans le cadre de “l'existant“. Un mot qui revient comme une ritournelle. Et c'est tout le fond du problème. Autrement dit, ils sont d'accord pour une coopération conjointe qui ne demande pas l'octroi de licences de pêche supplémentaires en particulier pour les pêcheries réputées être saturées. Un professionnel explique sous le couvert de l'anonymat : la pêche céphalopodière, qui a fait l'objet d'un plan d'aménagement sous le précédent gouvernement, doit être d'emblée exclue car elle est surexploitée. Un effort de pêche additionnel dans le merlu ou les crevettes pourrait être possible en fonction de l'état de la ressource et de la visibilité biologique“. Ce dogme halieutique est partagé par l'ensemble des opérateurs de la filière hauturière. Un membre de cette dernière résume le sentiment général : “ D'année en année, l'activité céphalopodière diminue. L'année dernière, nos bateaux ont fonctionné 4 mois seulement. L'année d'avant 5 mois. Il nous est interdit de pêcher au-delà de 12 miles. Je ne vois pas les Espagnols sur ce créneau menacé sauf à vouloir accentuer une crise déjà profonde“. Malgré le départ de la flotte européenne, les armateurs marocains travaillent donc de moins en moins. La plupart sont partisans d'une présence espagnole en aval du secteur : la valorisation de la ressource notamment pélagique où il reste beaucoup à faire en termes d'industrie de transformation avec des créations d'usines et partant de postes d'emploi. Cependant, un armateur averti fait observer que les armateurs espagnols n'ont pas besoin au préalable de “passer par des sociétés mixtes à statut spécial et de mobiliser leur gouvernement pour venir investir dans ce type d'activité au Maroc“. À la limite, personne ne les empêchera, s'ils sont désireux de créer ce type d'entreprises dans le Royaume. Bien au contraire… Or, ce qui intéresse les armateurs espagnols ce sont les licences de pêche en haute mer, ces fameux sésames des voies maritimes, qui leur permettraient d'accéder aux ressources halieutiques nationales pour lesquelles ils ont un faible tout particulier. Alors que cacherait cette formule d'entreprises mixtes dont parle la presse espagnole ? Le Premier ministre marocain a-t-il fait des promesses dans ce sens lors de sa rencontre à Rabat, vendredi 24 janvier, avec la délégation d'hommes d'affaires espagnols emmenée par le patron des patrons ? On sait que Driss Jettou est très fervent militant du rapprochement économique entre les opérateurs économiques des deux pays avec la création de joint-ventures de part et d'autre. Quant au secteur de la pêche nationale, il pense qu'il a besoin d'une réelle mise à niveau. Soit. Mais le développement du secteur passe-t-il nécessairement par l'octroi de nouvelles licences sur un créneau déjà surexploité ? Au lieu de cela, ne serait-il pas judicieux d'organiser et de moderniser la filière existante dans un cadre maroco-marocain ? Là est toute la question. Contacté par nos soins, le ministre RNI de la Pêche Taïeb Ghafès a déclaré que cette affaire de sociétés mixtes maroco-espagnoles n'est que du “du bla bla bla bla“. “ En dehors des bateaux galiciens que j'ai autorisés sur instruction royale, il n'y a rien de tout cela“, ajoute notre interlocuteur qui planche actuellement sur le contrat-programme du secteur pour les 5 ans à venir lequel, dit-il, sera prêt fin février. Quant aux pêcheurs espagnols, ils semblent ne pas en démordre. Ils convoitent, de nouveau, le poisson marocain. L'histoire risque-t-elle de se répéter ?