Acte de solidarité d'une grande portée symbolique et politique, le geste royal de permettre aux pêcheurs de la Galice, pénalisés par le naufrage du Prestige, de venir pêcher dans les eaux marocaines, est de nature à réchauffer les relations maroco-espagnoles. Avec un littoral long de 3600 kilomètres sur deux façade maritimes (l'Atlantique et la Méditerranée), le Maroc fait figure d'un des plus importants viviers halieutiques du monde. Considéré comme un des secteurs-clés de l'économie nationale avec un apport de plus de 4 milliards de DH, le secteur de la pêche est tourné essentiellement vers l'export, notamment le marché japonais qui totalise près de 90% des exportations. La consommation intérieure reste, elle, très faible (autour de 6 kg par personne et par an) pour cause de cherté du poisson essentiellement. Les ressources offertes par le Maroc dans ce domaine ont fait l'objet d'un intérêt particulier de la part de la communauté européenne, notamment l'Espagne. C'est ainsi que trois accords de pêche, d'une durée de 4ans chacun, furent conclus entre Rabat et Bruxelles (en 1988, 1992 et 1995) en vertu desquels le Maroc autorise la flotte européenne à pêcher dans ses eaux en contrepartie d'une compensation financière. Le dernier accord a expiré le 30 novembre 1999. Il ne sera jamais renouvelé. Le Maroc, officiellement soucieux de la protection de sa ressource, en a décidé ainsi au grand dam des autorités européennes et espagnoles qui ont tout tenté, à travers de multiples rounds de négociations, pour pousser Rabat à réviser sa position. Mais le partenaire du sud ne cèdera pas. Dès lors, les relations maroco-espagnoles vont s'en ressentir, se dégrader de jour en jour jusqu'à déboucher sur une crise diplomatique entre les deux pays. Le non-renouvellement de l'accord de pêche n'est pas le seul facteur déclencheur de la tension. Entre-temps d'autres contentieux, jusqu'ici mis en sourdine, surgiront avec une telle intensité avec rappel des ambassadeurs des deux pays. Une situation de crise ouverte qui atteindra son point d'orgue avec l'épisode spectaculaire de l'îlot Leïla en juillet dernier. Les malentendus s'ajoutent aux malentendus et il fallait, pour ces pays amis condamnés à s'entendre, se retrouver autour d'une table de négociations pour aplanir tous les problèmes. La dernière rencontre des chefs de la diplomatie des deux parties à Madrid a amorcé un dégel devenu indispensable. C'est sur ces entrefaites qu'intervient le geste royal du vendredi 13 décembre en faveur de la région de la Galice confrontée depuis quelques semaines à la catastrophe de la marée noire. Une main tendue inattendue appréciée à sa juste valeur par les responsables espagnols . En effet, les pêcheurs de ce territoire espagnol, qui ont perdu du jour au lendemain leur source de revenus à cause de ce drame écologique d'une grande ampleur, ont retrouvé soudain de l'espoir dans l'initiative royale de leur permettre de venir pêcher dans la zone économique exclusive du pays ( ce sera certainement la zone nord) pendant un délai de trois mois renouvelable en fonction de l'évolution de la situation écologique en Galice. Acte de solidarité d'une grande portée symbolique et politique, l'offre de S.M. le Roi, qui n'induit pas de contrepartie financière, n'a rien à voir avec l'accord de pêche. C'est un acte de solidarité avec une région sinistrée dont les palangriers ont la possibilité de profiter pendant un certain temps des espèces marocaines, notamment le poisson à écaille.