Derrière les politiques et les grands chantiers, des hommes. Nous en avons choisi six (le chiffre est arbitraire) qui ont largement émergé du lot. Driss Jettou : le challenge électoral et technocratique gagné Indéniablement, M. Driss Jettou aura marqué l'année 2002. Nommé par S.M. le Roi Mohamed VI, le 19 septembre 2001, ministre de l'Intérieur, il sera le premier responsable de ce département stratégique à ne pas être issu de son corps. Une année lui aura suffi pour ancrer au pays une nouvelle culture électorale. Les suffrages du passé, marqués par beaucoup d'anomalies, lui auront facilité la tâche. Il parviendra, grâce notamment au concours des partis politiques, à cerner les failles du système électoral. L'introduction de la proportionnelle et de procédures limpides vont permettre au pays de franchir un pas gigantesque dans la pratique électorale. Très peu de critiques ont été formulées sur le déroulement des élections législatives du 27 septembre. Cette avancée démocratique a été reconnue même par les milieux occidentaux considérés comme « hostiles ». L'image démocratique du Maroc s'en est trouvée renforcée. Au pays aussi. Le challenge électoral est gagné. Son mandat connaîtra notamment la désignation par S.M. le Roi de walis et gouverneurs technocrates. Ce penchant, on le retrouvera chez Driss Jettou le Premier ministre, dont la nomination vise l'arbitrage politique entre des formations politiques qui n'ont pas réussi une réelle émergence aux Législatives. Moins de deux mois à la Primature, quelques signaux forts (dossiers devant la Cour spéciale de justice, implication) ont été opérés. Un début prometteur, en attendant l'immense cahier de charges à exécuter. Rajae Aghzadi : Contre le cancer du sein Rajae Aghzadi, professeur de chirurgie à Casablanca, n'a cessé au cours de l'année 2002 de sensibiliser contre le cancer du sein. Elle est fermement décidée à mettre à profit son savoir au sein de l'association « Cœur de femmes » dont elle est la présidente. Entourée d'une équipe de médecins, de spécialistes et de bénévoles, cette association, âgée d'à peine une année et demie a pris en charge quelque 2700 femmes. Sa dernière opération de sensibilisation contre ce cancer, le premier chez la femme, a été organisée samedi dernier à Aïn Sbaâ. 1000 ouvrières ont en bénéficié. Auparavant, l'action de l'association du professeur Rajae Aghzadi a touché plusieurs villes du royaume. La première opération a ciblé quelque 500 femmes dans la vie de Safi. La seconde a concerné la ville de Laâyoune avec près de 1000 femmes. L'association va, par la suite, consacrer sa troisième action aux pensionnaires de la prison de Oukacha. Quelque 400 prisonnières ont en effet été sensibilisées contre le cancer du sein, avant qu'elle ne mène sa quatrième opération de sensibilisation dans la ville de Taza où près de 800 femmes ont en bénéficié. Khalid Oudghiri : un banquier en vogue A 44 ans, Khalid Oudghiri, fraîchement nommé P-DG de la BCM, a de quoi être satisfait. Avant d'occuper ce poste, il a été sollicité à la mi-mai par le groupe BNP Paribas pour prendre la responsabilité de la zone Moyen-Orient au sein du pôle BDDI (Banque de détail à l'international), après une longue et brillante carrière à la BMCI. Une consécration pour ce banquier. M. Oudghiri a intégré la BMCI en 1992. Il a occupé successivement les fonctions de directeur des groupes d'exploitation « nord-Centre et hors-Casablanca », directeur du Réseau, avant de devenir en 1995, directeur délégué responsable de la Direction Centrale du Réseau. En 1997, il est promu Directeur Général Adjoint en charge de la Banque Commerciale. Il a également été Président-Directeur Général de BMCI LEASING. Durant ces dix années passées à la BMCI, M.Oudghiri a contribué à la restructuration de la banque et à la mise en œuvre du plan de développement « Horizon 2000 ». Entre 1996 et 2001, la BMCI a réalisé les meilleures performances commerciales du secteur en termes de rentabilité et de productivité, souligne-t-on auprès de l'institution. Au-delà du secteur bancaire, M. Oudghiri a fait également ses preuves dans d'autres domaines. Il a occupé, pendant six ans, le poste de chef du département Développement et Exploitation au sein de l'ONAREP (Office National de Recherches et d'Exploitations Pétrolières). Il a rejoint ensuite la CFI (Compagnie Financière d'Investissement) en 1987. Toufik Ibrahimi : l'homme des situations difficiles Dès sa nomination au poste de directeur général en été dernier, Toufik Ibrahimi savait à quel point sa mission, portant sur la restructuration de la Comanav, a été difficile notamment sur le plan social. La compagnie nageait dans des eaux troubles. Elle a même failli déposer le bilan. Pour sauver l'entreprise, M. Ibrahimi devait gérer un plan de départ de 600 salariés (la moitié de l'effectif), prévu d'ailleurs dans le contrat-programme signé avec l'Etat. Un chantier très difficile et qui présente de grands risques. Il s'en est sorti indemne, lui et son établissement. En manager avisé, le patron de la Comanav savait bien, aussi, qu'il fallait composer avec les syndicats représentant le personnel de la Comanav pour mener cette cure d'amaigrissement. Il a opté donc pour la concertation. Les négociations ont duré pendant trois mois pour arriver à un accord. Résultat des courses: ce plan social n'a pas fait couler beaucoup d'encre. Aucun mouvement de grève n'a été observé. Une réussite à mettre à l'actif du patron de la Comanav. Il faut dire aussi que ce dernier a misé sur le sens de la responsabilité des organisations syndicales pour réussir cette entreprise délicate dans un établissement public. Il n'a pas été déçu. En moins de deux mois, 582 départs ont été exécutés. M. Ibrahimi a de quoi être satisfait. Il a tout le temps pour penser à l'orientation que va prendre son entreprise. Driss Benzekri, nouveau secrétaire général du CCDH Hormis les personnes qui ont côtoyé les milieux de la lutte pour les droits de l'homme depuis les années de plomb, rares sont ceux qui savent que Driss Benzekri, ce natif d'Aït Ouahi ( Province de Khémisset), né en 1950, et que S.M. le Roi a nommé nouveau secrétaire général du Conseil Consultatif des droits de l'Homme (CCDH), était l'un des membres fondateurs de l'Organisation marocaine des droits de l'Homme. Il était membre permanent de cette organisation pendant longtemps, avant de se retirer suite à des malentendus avec son ancien secrétaire général, Abdelaziz Bennani. Déjà, en 1984, il avait adressé une lettre à l'administration de la prison centrale de Kénitra, lui faisant savoir qu'il ne faisait plus partie de la gauche radicale. Fidèle à cette démarche constructive et positive à l'égard des pouvoirs publics, il a, dès sa libération, au début des années quatre-vingt-dix, participé à la création à la création de l'OMDH et contribué activement à son rayonnement sur le plan international. Lors de son mandat, à la tête du Forum Justice et vérité, il s'est distingué par son comportement constructif et modéré. Mohamed Chafik : une haute consécration, une mission vitale A 76 ans, Mohamed Chafik aura gravi presque tous les échelons. Inspecteur de l'enseignement primaire au début des années cinquante, il fera son entrée au gouvernement dans la décennie soixante-dix, en tant que sous-Secrétaire d'Etat au ministère de l'Education nationale (1970) et Secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre (1971). A son actif, plusieurs générations d'enseignants et d'inspecteurs formés et une présence remarquée à l'international (forums, séminaires, etc.). Erudit de la langue arabe et maîtrisant le français, Mohammed Chafik se distinguera par ses écrits. Des essais philosophiques aux ouvrages littéraires, où l'arabe côtoie l'amazigh, il aura la langue berbère au cœur de ses combats. Le parler berbère est une langue à part entière. Il n'y a pas de crise, le risque est l'instrumentalisation de la culture berbère. C'est là tout l'apport de l'intellectuel émérite. Cette lucidité patriotique, qui fait de la culture amazighe une richesse nationale et une composante identitaire, qui vaudra à Mohamed Chafik une grande reconnaissance royale. S.M. Mohamed VI l'a nommé, le 14 janvier 2002, Recteur de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCA). Une haute responsabilité nationale dont le cahier de charges est la gestion, sous la tutelle légataire du Souverain, d'une des questions fondamentales du devenir marocain. Outillé de la double passion d'appartenance consciente à l'identité marocaine.