Un nombre important de nos unités industrielles ne disposent même pas du strict minimum pour se prémunir contre les risques. Vétusté des textes juridiques, manque ou insuffisance du contrôle. Eclairage avec Driss Zakarya, expert en environnement industriel. ALM : Quelle est la définition d'une activité à risque dans le domaine industriel ? Driss Zakarya : Dans la plupart des activités industrielles, le risque existe. Il est omniprésent. C'est la nature de ce risque qui fait qu'une industrie est considérée comme dangereuse ou pas. De ce point de vue, l'on serait tenté de considérer une station essence, une blanchisserie ou même une droguerie comme étant une installation à risque. Cependant, la notion du risque dans le vrai sens du terme est évoquée quand la possibilité d'un accident majeur est manifeste. Le risque est grand lorsque la quantité de produits chimiques est importante. D'autres incidents peuvent se produire (court-circuit, foudre, feu accidentel, inondations inattendues, et). J'estime que bon nombre de nos unités industrielles peuvent être classées, installations à risque. Sont-elles au moins soumises à une procédure d'autorisation ou de contrôle ? Du point de vue juridique, les établissements classés sont soumis à un système d'autorisation que ce soit au niveau du ministère de l'Equipement ou de la protection civile et des autorités locales. Cependant, le suivi et le contrôle peuvent être difficiles à maintenir dans le temps. Les moyens faisant défaut en général. Rien n'est fait alors sur le terrain ? Effectivement, sur le terrain la réalité est tout autre notamment pour les installations fixes. Cependant, il ne faut pas oublier qu'il y a un risque d'une autre nature. C'est le transport des matières dangereuses, souvent des camions-citernes sillonnent nos routes. C'est une source de risque mais sous estimée et négligée. Les industriels nationaux ont-ils conscience des risques qu'encourent leurs structures ? Il y a deux types de structures industrielles. Celles qui sont familiales, artisanales qui ne disposent pas souvent des ressources suffisantes ni des compétences en matière de ressources humaines pour mettre en place de véritables systèmes de prévention des risques. Ces structures constituent un large pan de notre tissu industriel. Et il y a les autres. Je veux dire les industries structurées et les multinationales dont certaines mettent même en place des plans d'urgence pour parer à l'imprévu. Certes, elles le font pour des considérations économiques, mais elle le font quand même compte tenu du danger qu'elle peuvent faire encourir aux riverains et leurs infrastructures. Rappelant tout de même qu'un accident majeur qui se produit peut conduire à l'arrêt des installations, et de ce fait peut faire perdre du temps et de l'argent à l'entreprise. C'est la fréquence (souvent très faible) à laquelle les accidents majeurs se produisent qui fait souvent oublier aux industriels les dégâts potentiels. Prennent-il les dispositions nécessaires pour éviter le pire ? Bien évidemment. Vous savez, un entrepreneurs ne peut en aucun cas exposer intentionnellement son unité et les riverains au danger. Il y va de la rentabilité de sa structure, de sa réputation et de son image de marque. Il n'en reste pas moins qu'un nombre considérable de nos unités ne disposent même pas du strict minimum pour faire face au risque. La liste noire risque alors de s'allonger ? Vous savez tant qu'il y a une activité industrielle à risque, il y a toujours de fortes chances qu'on assiste à des catastrophes similaires à celles qui se sont produites dernièrement. Ceci d'autant plus si l'entreprise est située dans une zone à risque naturel : glissements de terrain, inondations, etc. Tout comme l'analyse des impacts sur l'environnement, l'analyse des risques industriels ou naturels pour une installation peut paraître un surcoût dans l'immédiat, mais il ne l'est souvent pas à moyen ou long-terme. Rappelant aussi qu'il ne faut pas simplement analyser les risques de sa propre entreprise et croire qu'on est à l'abri. Les risques peuvent provenir des installations voisines. Je pense, en disant cela à ce qui s'est passé, dernièrement à Aïn Sebaâ. L'analyse des risques à l'échelle d'une zone ou d'une zone industrielle est la meilleure démarche pour assurer la prévention contre les risques.