La Caisse de compensation croule sous le poids d'un énorme déficit. Le contribuable le supporte sans que cela ne lui profite forcément. Une réforme, qui nécessite beaucoup de courage politique de la part du gouvernement, s'impose. À quoi sert au juste la Caisse de compensation ? Dans un contexte de mondialisation des échanges et de libéralisation de l'économie, la question est doublement justifiée. À la veille de la tenue du Conseil d'administration de la Caisse, il est question d'éponger la dette de l'année 2004. La facture est particulièrement salée : 7 milliards de DH de déficit ont été épongés par l'occasion. Enorme. Selon le directeur de la Caisse, Najib Benamor, celle-ci a déboursé 2 milliards 200 de ses fonds propres; le budget de l'Etat supporte, quant à lui, le reste. Et comme c'est le cas depuis plusieurs années, les responsables de la Caisse tablent sur un retour à la normale et une baisse du prix du baril pour rééquilibrer les comptes. Ce réflexe de gestion de la crise, qui dure depuis plusieurs années, n'empêche pas le gouvernement d'engager une réflexion sur le devenir de la Caisse. En sa qualité de président du CA de l'organisme, le Premier ministre a adressé au Roi un message de fidélité et de loyalisme dans lequel il met l'accent sur la mobilisation du CA pour oeuvrer conformément aux instructions royales. Objectif : permettre à cette institution de jouer « pleinement le rôle qui est le sien en matière de soutien du pouvoir d'achat, particulièrement en faveur des personnes démunies et à revenus limités, tout en poursuivant la politique de libéralisation des secteurs subventionnés dans le but de promouvoir les investissements, renforcer la compétitivité des produits nationaux et préserver les acquis dans les secteurs agricole et industriel » peut-on lire dans le message. Au-delà du fait que l'équation contenue dans la déclaration de M. Jettou est difficile à concrétiser, c'est le rôle même de cet organisme qui est aujourd'hui en question. Depuis plusieurs années en effet, la Caisse de compensation est au centre de l'actualité. À l'origine de cette situation, la hausse du prix du pétrole causant un creusement chronique du déficit de la Caisse. L'Etat doit-il continuer à supporter ce poids ? Historiquement, la mission de la Caisse n'a cessé de changer, au gré des fluctuations politiques et économiques du pays. Créée sous le régime du protectorat en 1941, elle avait pour mission de stabiliser les produits de consommation. L'organisme a agi d'abord comme un instrument qui facilitait l'entrée de divers produits français au Maroc à des prix compétitifs. Après l'indépendance, le gouvernement marocain a utilisé la caisse pour venir à la rescousse de divers secteurs en difficulté. Les déséquilibres des finances de la Caisse vont intervenir avec le second choc pétrolier de 1975. L'instauration de la Taxe intérieure de consommation (la fameuse TIC) sur les produits pétroliers allant directement au budget de l'État a privé la Caisse d'une source non négligeable de revenu. Aujourd'hui, cet organisme subventionne le sucre, la farine, le gaz butane et les produits pétroliers. Tous les responsables s'accordent à dire que le système, tel qu'il est conçu, est devenu obsolète et présente de nombreuses incohérences. Un exemple illustre cette situation, celui du gaz. L'État finance en effet diverses charges d'exploitation comme les opérations de transport qui n'ont rien à voir avec le produit initialement subventionné. En réalité, la subvention ne profite pas au consommateur final. On est loin des objectifs tracés pour cette institution. Faut-il donc la supprimer? Pour Rachid Talbi Alami, ministre des Affaires économiques et générales du gouvernement, cette éventualité n'est pas à l'ordre du jour. Reste que le système, tel qu'il est conçu, nécessite inévitablement une réforme en profondeur. Pour le gaz par exemple, le gouvernement travaille sur un schéma qui devrait réduire le nombre d'interventions de la Caisse dans le processus de la subvention. Une réflexion est également engagée en matière de la farine et du sucre, afin de mettre en place des systèmes plus adaptés. Bon courage.