Même si la réforme de la Caisse de la compensation est complexe et longue à mettre en œuvre, elle est nécessaire pour en faire un outil de soutien réel aux couches les plus démunies et de renforcer la classe moyenne. Des voix se sont élevées, ces derniers jours, pour alimenter quelque scepticisme à l'égard de la réforme de la compensation. C'est des voix qui méconnaissent, volontairement ou involontairement, la réalité et l'ensemble des contours du plan de la réforme de la compensation. Quand on se veut scientifique et analyste, mieux vaut être véridique et précis. Trop longtemps repoussée par les pouvoirs publics, le gouvernement a inscrit dans sa déclaration de politique générale la réforme de la compensation. Sur la base d'un diagnostic critique qui a montré que le système actuel de compensation, au lieu de soutenir le pouvoir d'achat des couches de population nécessiteuses, octroie des subventions sans aucun ciblage et profitant beaucoup plus aux couches de population nanties, le gouvernement a préparé une stratégie de réforme du système de compensation pour en faire un outil à la fois de soutien réel aux couches les plus démunies et de renforcement et d'élargissement de la classe moyenne. Pour tirer au clair certains aspects de cette stratégie, il faut tout d'abord savoir que, compte tenu de l'importance de son enjeu social, la réforme de la compensation dans notre pays et dans les pays en voie de développement, recourant aux subventions des prix des produits de première nécessité, est complexe, longue à mettre en œuvre et ne peut être établie, contrairement à ce que l'on aurait pu imaginer, que dans le cadre d'une approche segmentée et par étage. C'est ainsi que le schéma de réforme conçu, tel qu'il a été annoncé par Nizar Baraka, ministre des Affaires générales et économiques, et repris largement par la presse écrite et audiovisuelle, conduit à un système à deux étages pour une politique de compensation renouvelée. La réforme escomptée inscrirait la Caisse de compensation dans une logique de performance et de gestion des mécanismes de compensation axée sur les résultats. Ainsi, le premier étage de la réforme vise l'amélioration de la gouvernance du système de compensation et prend en compte, en plus des aspects du prix des produits subventionnés, de rémunération des intervenants et d'intermédiation, les aspects relatifs au système de contrôle des sociétés bénéficiaires des dépenses de la compensation et à la modernisation et l'informatisation des procédures d'intervention de la Caisse de compensation. Il s'agit donc de préserver le système de subvention en vue de stabiliser les prix des produits de base, dans un but de cohésion sociale et de protection du pouvoir d'achat, notamment, de la classe moyenne. Mais, ce système doit être adapté dans ses finalités comme dans ses processus et mécanismes d'intervention. Dans le cadre du premier étage de la réforme, les premières mesures mises en œuvre ont concerné la révision des structures des prix de vente de la farine nationale de Blé tendre (FNBT) et des produits pétroliers. La première est mise en application à partir du premier juillet 2008. La deuxième est entrée en vigueur le 16 février 2009. Sont là des mesures volontaristes adoptées pour abroger les distorsions économiques nées et lutter contre les rentes constituées. Des mesures visant la rationalisation des mécanismes d'intervention de la Caisse de compensation ont été également mises en œuvre. A cet effet, il est question maintenant de contrôler les sociétés bénéficiaires des montants de la compensation. Et pour plus de transparence, ce contrôle a été externalisé, à partir du premier novembre 2008, à des bureaux privés spécialisés en la matière. Sur le même registre, un système d'information et des livres de procédures ont été mis en application au niveau de la Caisse de compensation. D'autres mesures visant la modernisation de la gestion budgétaire et de l'organisation de la caisse de compensation ont été prises et ce, à la lumière des recommandations du dernier rapport de la Cour des comptes sur cet établissement public. S'agissant du deuxième étage de la réforme, les mesures prises s'inscrivent dans le cadre du renforcement de la protection sociale et visent à véhiculer les subventions vers les consommateurs qui en ont le plus besoin. A ce titre, il a été décidé l'affichage du prix sur les sacs de la FNBT, à partir d'octobre 2008 et la révision, à partir du premier juillet 2008, de la répartition du contingent de la FNBT et ce, en prenant en considération les données de la carte de pauvreté et les localités définies comme pauvres dans le cadre de l'INDH. Des résultats palpables et satisfaisants ont été enregistrés. Ainsi, la totalité des communes de l'INDH bénéficient actuellement des dotations de la FNBT contre 50% uniquement auparavant. Le milieu rural bénéficie de 66% du contingent alors qu'il n'en bénéficiait que de 46% auparavant. 435 nouvelles communes rurales reçoivent les dotations de la FNBT pour la première fois. En outre, la répartition est devenue plus équitable. En témoigne la part en moyenne annuelle d'un ménage pauvre devenant aux alentours de 16 sacs de 50 kg, alors qu'elle était différenciée entre les provinces et les communes, par exemple 8 sacs dans une commune rurale à El Hajeb et 85 sacs dans une commune à Casablanca. En affichant les prix de manière transparente sur les produits subventionnés, pour les vendre aux prix convenus, et en révisant la répartition de la FNBT sur la base de la carte de la pauvreté, pour s'assurer que la subvention ait été orientée vers les populations les plus nécessiteuses, le département desAffaires économiques et générales pose les premiers jalons d'un système de compensation mieux équitable et d'un meilleur ciblage de ses dépenses. En effet, l'amélioration du ciblage ira plus loin. Il s'agit de la réflexion engagée pour mettre en place un programme de transfert monétaire conditionnel qui assurerait des transferts d'argent aux catégories vulnérables, sous la condition que les enfants des familles cibles aillent à l'école et que les femmes enceintes et les enfants concernés suivent régulièrement les contrôles médicaux requis. Dans ce cadre, une mission interministérielle s'est rendue au Chili, au Mexique et en Indonésie pour s'imprégner des expériences –réussies- menées par ces pays, étudier les outils conceptuels mobilisés et analyser la mise en œuvre concrète du processus de réforme au sein de ces pays. Mais, chaque pays est un cas à part, et ce qui a réussi là-bas ne le sera pas forcément ici. Pour approcher cette nouvelle vision et étudier les conditions de réussite d'un système basé sur l'aide frontale directe aux populations démunies, le gouvernement a créé de nouveaux mécanismes de soutien direct des populations les plus démunies. Il s'agit bien évidemment du régime d'assistance médicale (RAMED) lancé dans la région pilote de Tadla-Azilal et du programme (TAYSSIR) des aides sociales pour l'accès à l'éducation lancé dans cinq régions pilotes (les régions de BeniMellal, de Marrakech, d'Agadir, de Meknès et d'Oujda). L'expérimentation de ces deux programmes permettrait la construction, avec la cohérence et l'efficacité requises, d'un cadre d'analyse et de conception et d'un schéma de mise en œuvre propre à notre pays. Une mise en œuvre progressive qui se fera dans la sérénité et la sagesse et avec une démarche consensuelle. Sont là des conditions sine qua non pour la réussite d'une telle entreprise. Celle de mettre en place un programme national de transfert monétaire conditionnel. Comme nous venons de le voir, et contrairement à ce que certains écrits ont fait comprendre, la réforme de la compensation ne se cantonne pas à la mise en place d'un programme de transfert monétaire conditionnel. La réforme est lancée et contient plusieurs mesures dont certaines ont été déjà mises en place. D'autres mesures sont en cours. Par Younes Hadioui chercheur