Président de l'Association marocaine de lutte contre la haine et le racisme, Jamal Berraoui, dénonce la décision du CSCA dans l'affaire PJD-2M. Pour lui, ce n'est ni plus ni moins qu'un appel au crime. Entretien. ALM : Le Conseil supérieur de la communication audiovisuelle (CSCA) a rendu publique sa décision dans l'affaire opposant le PJD à la deuxième chaîne de télévision. Quel commentaire en faites-vous ? Jamal Berraoui : Un fait est à noter avant de commenter cette décision du CSCA : force est de constater que nous avons évité le pire. Le rapport rendu public a été commandé par cette autorité à un islamiste pour la coquette somme de 15.000 dirhams en plus de deux anciens journalistes de 2M. Pour ce qui est de la position prise par la CSCA à l'encontre de ma petite personne, je la trouve tout simplement désolante. C'est une décision qui est à la mesure des gens qui composent cette instance. Pas plus tard que mercredi matin, mon fils qui a douze ans voulait savoir ce qu'est le Conseil supérieur de la communication audiovisuelle (CSCA). Spontanément, je lui ai répondu que c'est une instance composée de personnes qui touchent un bon salaire pour ne rien faire. Et je pense que je n'ai jamais très bien défini la CSCA qu'en étant ainsi spontané. Pour revenir à l'affaire PJD-2M, je tiens à préciser une chose, la CSCA n'a aucune autorité sur moi ni sur l'Association marocaine de lutte contre la haine et le racisme, une ONG qui n'a d'autre but que de lutter contre l'obscurantisme. Pourquoi le débat a-t-il été recentré sur votre personne ? Ce n'est certainement pas moi qui pourrais répondre à cette question. En prenant sa décision, la CSCA a voulu faire plaisir au PJD qui m'a décrété ennemi public numéro un il y a de cela belle lurette. Depuis le déclenchement de cette affaire, ma photo est quotidiennement publiée sur les pages du journal Attajdid, très proche du PJD. C'est ce que j'appelle personnellement un appel au crime. Et c'est ce que la CSCA a justement cautionné à travers cette décision. Après ce dernier épisode du feuilleton PJD-2M, ne vous sentez-vous pas victime d'un certain lâchage ? Je ne suis pas seul à mener le combat contre l'obscurantisme et la haine. Les jeunes Marocains, ceux qui veulent mener leur vie à leur guise, les citoyens qui se démarquent de toute pensée ou pulsion obscurantiste, mènent le même combat que moi. Un combat que je n'ai à aucun moment mené tout seul. Il n'y a qu'à voir la forte mobilisation de la société marocaine autour de cette affaire pour s'en rendre compte. Comment qualifiez-vous la réaction de la deuxième chaîne de télévision ? J'estime que 2M a fait son travail. Il est vrai que la chaîne est un établissement public, mais cela ne signifie nullement que ses journalistes doivent se comporter comme un «moqaddem» ou «cheikh». En outre, la chaîne n'a jamais caché ses préférences, que ce soit sur le plan idéologique ou même vis-à-vis de certaines personnalités. L'USFP, qui a longtemps fait l'objet de vives critiques de la part de la deuxième chaîne, n'a pourtant jamais cherché réparation sachant pertinemment que si elle avait saisi la CSCA, ce n'est pas moins d'une semaine de droit de réponse qu'elle aurait obtenue sur les écrans de la chaîne. Partant de là, l'attitude du PJD paraît non seulement exagérée, mais elle dénote d'une volonté de récupérer l'affaire en sa faveur et se faire de la publicité au passage. Quant à moi, je n'ai pas de raison particulière d'en vouloir à 2M qui agit en fonction de ses intérêts et de sa propre vision du travail journalistique. Qu'en est-il de la réaction des partis politiques ? Les partis politiques sont aux abonnés absents. Depuis le déclenchement de cette affaire, il y a de cela près d'un mois, aucun parti politique ni responsable politique n'est monté au créneau. C'est la preuve, si besoin en est, qu'ils sont totalement disqualifiés par rapport aux enjeux auxquels doit faire face la société marocaine. Les choix du Maroc sont clairs. Il n'y a que la modernité pour pouvoir avancer. Or qui dit modernité dit liberté d'expression dans le sens large du terme. Quelle est, selon vous, la portée de cette décision ? Il faudrait d'abord souligner un fait d'une grande importance. La décision prise par la CSCA n'est pas légale dans la mesure où la loi organique de cette institution n'a pas encore été publiée au Bulletin Officiel. Une question s'impose à ce sujet, la CSCA avait à statuer sur une dizaine de dossiers qui traînaient depuis un bon bout de temps, qu'est ce qui l'a poussé à se prononcer sur celui-ci en premier? La portée de la décision de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle est d'abord d'ordre politique dans la mesure où cette décision a corroboré la voix de l'obscurantisme et de la haine. Vous savez, je suis dans la politique depuis l'âge de 16 ans, à l'époque même où Benkirane était du côté d'Oufkir et j'ai vu naître tous ces courants politiques. La décision du CSCA qui clôt ce feuilleton n'est, à mon avis, que le début d'une clarification démocratique.