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Le regard du professeur (5)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 14 - 11 - 2002

«Un demi siècle dans les arcanes de la politique», est le livre du professeur et ancien conseiller royal, Abdelhadi Boutaleb. Ce 4ème épisode traite de la reconnaissance, par le Maroc, de la Mauritanie et tant qu'Etat.
Hatim Betioui : On sait aussi qu'au cours du premier sommet de l'Organisation de la Conférence Islamique, le Maroc a reconnu la Mauritanie en tant qu'Etat souverain. Dans quel contexte cette reconnaissance a-t-elle eu lieu ?
Abdelhadi Boutaleb : Lorsque les Présidents et les Rois ont commencé à arriver au Maroc, le Roi Hassan II a chargé quelques ministres d'accueillir et accompagner quelques-uns. Il m'a, fort judicieusement, confié la tâche d'accompagner le président mauritanien Mokhtar Ould Daddah, qui venait pour la première fois au Maroc. Notre pays n'avait pas encore reconnu la Mauritanie comme Etat indépendant.
Le Roi Hassan II a dit qu'il acceptait la présence de la Mauritanie et ne voyait pas d'inconvénient à sa participation parce qu'il voulait élargir le consensus autour du Sommet. L'attitude du roi à l'égard du président Ould Daddah a représenté pour celui-ci un précieux message, voire une aubaine.
Lorsque le président Ould Daddah a débarqué à l'aéroport de Casablanca et que le Roi Hassan II l'a accueilli au pied de l'avion, il a été le seul chef d'Etat à ne pas donner l'accolade au Roi, se contentant de lui serrer la main. Pendant qu'il prenait le lait et les dattes qu'on lui présentait, conformément à la tradition marocaine, le lait dégoulinait de ses mains, tellement il tremblait d'émotion ou de crainte que le Maroc ne le perçoive encore comme un simple citoyen marocain, un des sujets du Roi. Le Roi présentait d'habitude lui-même le lait et les dattes à ses invités, mais il ne l'a pas fait avec le président Ould Daddah. C'est un des agents du palais qui s'en est chargé.
Les Présidents et les Rois arrivaient les uns après les autres à l'aéroport, et de là, ils se rendaient, accompagnés d'un ministre marocain, à Rabat. Le Roi m'a confié la mission suivante : «Accueillez Mokhtar Ould Daddah avec moi à l'aéroport puis accompagnez le jusqu'à se résidence à rabat. Engagez avec lui une discussion directe au sujet de la récupération de la Mauritanie par le Maroc. Sondez-le pour savoir à quel point il est prédisposé à s'intégrer dans le Maroc ou à s'en approcher. Vous savez à quelles solutions je pense pour résoudre ce problème, et je sais que vous êtes capable d'argumenter et de convaincre avec tout le tact qu'il faut ».
A notre arrivée à sa résidence à rabat, je lui ai dit : « Monsieur le Président, j'aimerais rester déjeuner avec vous en tête-à-tête». Il a alors donné congé à la délégation qui l'accompagnait, puis, lui et moi sommes restés seuls dans la villa d'Omar Kadiri -un de mes anciens élèves- mises à la disposition du Président mauritanien. J'ai entamé la discussion avec lui au sujet des relations de la Mauritanie avec le Maroc. Il avançait des faits historiques bizarres et à mon sens non fondés. Je les ai donc contestés et lui ai prouvé la justesse de mon point de vue. . Il a dit que la Mauritanie n'a jamais appartenu au Maroc, qu'elle n'est pas une partie de son territoire, que les relations de la Mauritanie avec le Maroc et le Maghreb arabe ont été des relations fluctuantes et que les dynasties qui se sont succédé pour gouverner le Maroc sont tantôt venues des confins du Sahara, en passant par la Mauritanie, tantôt parties du maroc pour aller en Mauritanie. Il avait son propre raisonnement et sa propre lecture de l'histoire. J'ai compris à travers ses paroles qu'à ses yeux le fait que le Maroc ait accepté que la Mauritanie soit présente au Sommet en tant qu'Etat distinct et indépendant était un acquis pour son pays. Pour lui, il se trouvait en position de force. Il a donc dissipé mes illusions quant à l'éventualité de trouver une solution politique confédérale ou fédérale. Il s'en est tenu au fait que son pays était un Etat indépendant qui pouvait se lier au Maroc par des relations de coopération et d'amitié. Nos discussions ont duré quatre heures, au terme desquelles j'ai pris congé de lui et je suis parti au palais royal pour aviser le Roi Hassan II. Je lui ai dit que j'ai trouvé devant moi un homme rigide, obstiné et qui a sa propre interprétation de l'Histoire. Je lui ai rapporté les détails de nos quatre heures de discussions. Le commentaire du Roi a été: «Est-il rigide à ce point ? ».
Le soir même, le Roi Hassan II a offert un dîner en l'honneur des chefs d'Etat et quelques-uns des ministres qui les accompagnaient. A la table royale, il y avait trois chefs d'Etat : le Président algérien Houari Boumédiene, le Chah d'Iran et le président mauritanien ; Lorsque je me suis présenté pour saluer sa majesté à l'issue d'un entretien qu'il avait eu en tête-à-tête avec le Président mauritanien avant le dîner, il m'a dit en présence d'Ould Daddah : «Monsieur le président mauritanien m'a dit que vous avez été très dur avec lui ». J'ai répondu : «Au contraire, c'est plutôt lui qui a été difficile ». Alors, le Président mauritanien a dit : «M. Abdelhadi Boutaleb ne faisait que défendre un point de vue». Puis le Roi a fait observé : «C'était le point de vue de M. Boutaleb. Quant au mien, vous le connaissez maintenant, après l'entretien que nous venons d'avoir. C'est fini. Maintenant, nous allons, si Dieu le veut, ouvrir une nouvelle page fraternelle avec la Mauritanie ».
Le Roi entendait-il par cela la reconnaissance de la Mauritanie ?
Oui, c'est bien ce qu'il a voulu dire. Le Roi était prompt à prendre des initiatives et des décisions. Dès que je lui ai rapporté l'échange de vues que j'avais eu avec le président mauritanien, il a pris la décision de tourner la page du passé et de faire entrer les relations entre les deux pays dans une ère nouvelle.
Sur quelles bases s'est établie la reconnaissance marocaine ?
Des bases réalistes. S'agissant de la récupération des territoires marocains, le Roi Hassan II cherchait à résoudre les problèmes avec ses voisins à l'amiable. Il avait besoin de se consacrer aux problèmes du Maroc et de consolider son indépendance, même si cela devait lui coûter une partie des anciennes frontières,lesquelles ne se sont jamais stabilisées de façon permanente. La reconnaissance de la Mauritanie a été, en quelque sorte, un arrangement probablement imputable à l'ambiance du Sommet islamique marquée par la mobilisation des efforts et la focalisation de l'attention autour des problèmes essentiels. De même, il voulait ainsi attirer la Mauritanie et la rapprocher du Maroc à travers une coopération pacifique et cordiale avec un pays indépendant mais allié, plutôt que de disposer d'un territoire qui n'ajoute rien au Maroc. En d'autre terme, il a modifié la nature de l'équation, préférant à l'affrontement et au déni à la Mauritanie de son statut d'Etat, l'acceptation d'un Etat frère du Maroc, coopérant avec lui, la main dans la main.
C'est ce que j'ai compris et cela s'est confirmé par la suite, après le Sommet, quand je suis devenu ministre des Affaires Etrangères et le Dr Ahmed Laraki, Premier ministre. Le Roi nous a convoqués à une séance de travail et nous dit :“Nous devons consacrer et formaliser notre reconnaissance de la Mauritanie en nous hâtant de nommer un ambassadeur à Nouakchott“. Le Premier ministre Ahmed Laraki a proposé un consul marocain. Mais j'ai dit à Sa Majesté :“Je vous propose de remanier un poste ministériel occupé par un de vos ministres les plus importants pour nommer celui-ci ambassadeur de Votre Majesté en Mauritanie“. Puis j'ai ajouté :“J'estime que l'importance de l'ambassade tient de l'ampleur des relations que l'on entretient avec le pays, et que c'est le type de ces relations qui confère à l'ambassade son importance. Maintenant que Votre Majesté a pris le parti de gagner la sympathie de la Mauritanie, je considère que notre ambassadeur dans ce pays est plus important que celui de Paris“. Puis j'ai poursuivi :“je demande à Votre Majesté de nommer à la tête de notre ambassade à Nouakchott un ministre bien expérimenté, et politiquement et diplomatiquement compétent. Qui sait ? Il pourrait devenir conseiller du président Ould Daddah tout en étant ambassadeur du Maroc“.
Le Roi Hassan II a dit en souriant : «Que pensez-vous si je vous nommais à ce poste? Vous réunissez toutes les conditions que vous venez d'évoquer.» Puis il s'est repris : «Je vous taquine seulement. Vous avez raison !»
Le ministère de l'Education était encore compartimenté, comme je l'avais laissé. Kacem Z'hiri premier ambassadeur en Mauritanie.
Je me souviens de la première fois où je me suis rendu chez le Président Ould Daddah en Mauritanie. J'étais dépêché auprès de lui par le Roi. Il m'a invité à déjeuner avec lui ; il était entouré de ses ministres, à qui il a déclaré : « Le ministre Boutaleb a été le premier Marocain dont j'ai fait la connaissance. Il a été dur avec moi, mais maintenant, plus que des amis, nous sommes devenus des frères qui s'aiment». Je voudrais dire ici que le président Oulad Daddah a été loyal dans sa coopération avec le Maroc.
Lorsque l'affaire du Sahara a surgi, il s'est engagé, aux côtés du Maroc, dans les négociations avec l'Espagne pour résoudre le problème. En 1975, la Mauritanie a signé, en même temps que le Maroc, l'accord tripartite maroco-hispano-mauritanien. C'est l'accord aux termes duquel la Mauritanie a obtenu l'administration de la ville de Dakhla. Le président Mokhtar Ould Daddah a bien résisté aux pressions, ou plutôt menaces, que le président Houari Boumedienne a exercées sur lui, lorsqu'il l'a rencontré à Colomb-Béchar, pour l'amener à renoncer à son entente avec le Maroc sur la manière de résoudre le problème du Sahara.


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