La version d'une révolte d'officiers libres suscite des mises au point des acteurs socio-politiques. Un mouvement né dans les coulisses et sous la coupole d'une raison éphémère de l'Etat espagnol. Dans les brefs délais, les Marocains vont découvrir probablement une liste de personnes se présentant sous la houlette des officiers libres ; si vraiment ces officiers existent, alors ils ne sauraient être taxés que de déserteurs. Bien entendu, la différence entre les deux qualificatifs n'est nullement d'ordre étymologique, mais plutôt politique. Les officiers libres, comme nous le savons à travers l'histoire des autres nations, comme l'Egypte et la Turquie, disposaient d'un projet de société et d'une vision stratégique. Jamais, pour Mohamed Naguib ou Gamel Abdennacer, en Egypte, il n'a été question d'un règlement de compte personnel ou d'une nomenclature revendicative de bas étage . Que ce soit en Egypte ou en Turquie, pour ne citer que ces deux pays, les Officiers révolutionnaires (ou libres) bénéficiaient, avant toute chose, du soutien des masses populaires et leurs dirigeants étaient connus pour leur patriotisme et leurs idéaux, alors que dans le cas du Maroc, tous ces éléments font défaut. Mais là n'est sûrement pas la question. Fait paradoxal, au moment où le peuple marocain et son régime viennent de montrer au monde entier qu'ils sont déterminés à aller de l'avant dans le sens de la consolidation de la modernité, du développement économique et social et de la démocratie, voilà que ses voisins espagnols tentent de lui exporter des modèles qui appartiennent au passé. Les vertus de la libre expression portent en leur sein, également, les germes du dérapage. Ceux parmi les porteurs de plumes de nationalité marocaine, qui portent les lunettes noires tout en menant leur vie confortable de messager de « la presse alternative », pour le compte d'autrui, sont eux-mêmes le produit de la nouvelle ère et des bons vents de la démocratie qui soufflent sur le Maroc. Autre fait qui échappe à la logique hégémonique des voisins. Dans le cadre de la démocratisation des rapports entre l'Etat et la société, des plans de développement régionaux ont commencé à prendre forme, soutenus par une volonté politique qui ne laisse aucune place aux hésitations du passé. La mise en place des Agences de développement des régions du Nord et du Sud (anciennement sous colonisation espagnole) est l'expression éloquente de ce processus. Enfin, le troisième élément qui couronne ce long chemin d'édification du Maroc nouveau n'est autre que la réussite des élections libres et transparentes du 27 septembre. Or, au lieu de saisir ces messages et d'aider, en tant que pays démocratiques, ses voisins qui veulent sortir du sous-développement, les gouvernants espagnols, nostalgiques des ères de croisade, font tout pour nuire à leurs voisins. D'abord, par le soutien constant et consistant aux séparatistes du Polisario, ensuite par la provocation et les démonstrations de forces dans les zones maritimes marocaines et enfin par la sape des intérêts économiques et sociaux du Maroc, notamment dans les domaines de la migration et des échanges économiques. Mais, comme cela ne suffisait pas, il a fallu boucler la boucle en jouant la carte d'une poignée de déserteurs pour les présenter en tant que nouveaux missionnaires et porteurs de la civilisation et de la lutte contre la dépravation et la corruption. Certes, politiquement, cela s'explique. Car, aucun parti politique, qu'il soit de droite radicale ou d'extrême gauche, aucun syndicat et aucune association de la société civile n'acceptent, aujourd'hui, d'être marginalisés de leurs bases populaires. Mais, pour la droite espagnole, il suffit de fomenter un faux mouvement d'officiers libres, quelques organes de presse dont le nombre ne dépasse pas les doigts de la main, et une plume politique qui a fait son temps, pour croire à la révolution et véhiculer ses idéaux. Même si ce n'est que pure manipulation.