L'Instance Equité et Réconciliation (IER) entamera, le 21 décembre, à Rabat, les séances des auditions publiques durant lesquelles les victimes des années de plomb témoigneront. Objectif : informer l'opinion publique sur les souffrances endurées par ces victimes. Les victimes des violations des droits de l'Homme et des années de plomb seront enfin écoutées. Les premières séances des auditions publiques, durant lesquels une dizaine de témoins présenteront leurs témoignages, seront entamées demain, mardi 21 décembre, à Rabat. Les violations commises lors de la période allant de 1956 à 1999 seront ainsi révélées au grand jour, et de la manière la plus solennelle et la plus médiatique qui soit. Initiative de l'Instance Equité et Réconciliation et prévus sur deux jours, ces séances seront marquées par une large couverture des médias nationaux et internationaux. Donnant les détails de ces auditions publiques, le site Internet de l'Instance (www.ier.ma) souligne l'importance du rôle du témoin consistant à informer l'opinion publique sur ses souffrances endurées, suite aux violations commises. Des témoignages qui représentent également l'une des exigences de la réparation du préjudice et de la réconciliation. Pour Salah El Oudie, membre de l'Instance, ces auditions seront l'occasion «d'éclaircir une page de notre Histoire en donnant la parole à ceux et celles qui n'en ont pas eu jusque-là». Qu'une telle opération se déroule par l'intermédiaire des chaînes publiques est pour lui un signal fort de l'évolution que connaît le Maroc à la fois en matière des droits de l'Homme et de la liberté d'expression. Les témoignages présentés ne seront sujets à aucune question ou commentaire ni de la part de la commission d'écoute ni du public. On l'aura compris, ces séances ne seront pas un espace de confrontation. S'exprimant sur les colonnes du confrère TelQuel, Driss El Yazami, également membre de l'Instance, va plus loin en estimant inutile la confrontation entre les victimes et leurs bourreaux. « On ne sait pas à quoi pourrait servir la confrontation et s'il faut mettre la parole du bourreau sur le même pied d'égalité que celle de la victime », a-t-il déclaré. D'autant que l'importance de ces témoignages réside dans le fait qu'ils atténuent la souffrance des victimes, puisqu'ils constituent un pas important vers l'enracinement de la culture de la réconciliation. Le choix des témoins, assure-t-on côté IER, a été fait conformément à un accord préalable des personnes dont les dossiers sont répertoriés auprès de l'Instance et des personnes proposées par les organisations marocaines de défense des droits de l'Homme. Ce choix a, également, pris en compte une large représentativité des deux sexes, des régions, des évènements historiques, de la nature de la violation, des centres de détention et de la prédisposition psychique des témoins. Les auditions publiques se poursuivront début janvier 2005, selon un programme qui sera annoncé ultérieurement et qui concerne les villes de Casablanca, Khénifra, Al-Hoceima, Tan Tan, Smara, Errachidia, Figuig, Fès et Tétouan. 200 victimes seront ainsi écoutées. Ayant pour mission moins d'offrir une réparation aux victimes que de faire la lumière sur l'ensemble des exactions, agissant en tant que commission de vérité, l'IER travaille sur ce dossier depuis neuf mois. Les 16 membres de la commission ont, avec le concours d'une équipe de 160 personnes, recueilli plus de 20 000 témoignages, précisant que 16 000 personnes ont pu être identifiées, et plus de 500 cas de disparition recensés. Des recherches complémentaires ont été entreprises jusque dans les douars les plus reculés du pays. Et chaque entretien a été enregistré et filmé. Pour chaque victime, une fiche a été établie et transmise aux autorités pour complément d'information. Les résultats de ces enquêtes et les recommandations de l'IER seront consignés dans un rapport dont, la version définitive sera publiée en avril 2005.