Avec l'appel à la constitution d'une Commission de coordination nationale de ses syndicalistes, l'USFP annonce la couleur des jours qui viennent dans le champ de l'action sociale. Le secteur des travailleurs inclut dans le jargon de l'USFP aussi bien les ouvriers, que les employés des établissements publics et semi-publics, des entreprises privées et les fonctionnaires de l'Etat (ingénieurs municipaux, enseignants du primaire et secondaire, agents et cadres de l'Education nationale, de la Santé, de l'Agriculture, et des autres administrations,etc). Bref, toutes les catégories socio -professionnelles que l'on rencontre dans les centrales syndicales marocaines. En appelant à la constitution d'une commission de coordination nationale ouverte aux syndicats nationaux, bureaux unifiés, unions locales et régionales et aux centres ouvriers, le Parti socialiste entend élargir la brèche qui mine la CDT de l'intérieur et le fossé qui le sépare de la direction de cette centrale syndicale. Dans son allocution à l'ouverture des travaux de la Commission partisane de l'action syndicale, le Premier secrétaire de l'USFP, Abderrahmane Youssoufi, a tenu à ridiculiser le score réalisé par le groupe de Noubir Amaoui lors des élections législatives du 27 septembre 2002. « Ils n'ont récolté que la poussière», dit-il en les taxant de «prétentieux», alors que deux candidats, membres du Bureau politique de son parti, Abderrahman Chennaf et Taeïb Mounchid, ont accédé au Parlement. Contrairement à certaines approches qui réduisent le conflit entre la direction actuelle de la CDT et le Bureau politique de l'USFP aux circonstances ayant entouré la tenue du VI ème congrès qui s'est déroulé à Casablanca du 28 mars au 1er avril 2001, M. Youssoufi place ce problème dans un contexte plus large. «La crise syndicale, affirme-t-il, est l'aboutissement final d'un processus qui n'a que trop duré et qui a été initié en 1992, notamment à travers la préfabrication du procès «Amaoui» et le dépôt, par ce dernier, à cette époque, de la demande de publication de «Arrihane Al Akhar » ( L'autre enjeu), l'organe de presse du Congrès national ittihadi ( CNI). Cela dit, pour bon nombre d'observateurs, les prémisses des tiraillements entre ce qu'il convenait de qualifier aile syndicale et aile politique ont commencé à se manifester depuis les années quatre-vingt, pour atteindre leur apogée lors du Vème congrès de cette formation partisane en 1989. A cette époque, le congrès a failli éclater, suite à une véritable OPA syndicale sur les instances dirigeantes du parti. Feu Abderrahim Bouabid n'a obtenu que quatre voix au sein de la Commission organisationnelle, alors que Noubir Amaoui régnait sur la Commission des candidatures. Un mois plus tard, les membres du parti apprennent par le biais du journal «Al Ittihad Al Ichtiraki» que la CDT compte observer une grève générale le 25 avril de la même année. Une grève qui fut reportée pour le 14 décembre 1990 et qui a connu le déclenchement d'émeutes, principalement, à Fès et à Tanger. Le troisième événement non moins important dans ce processus a trait aux déclarations du Secrétaire général de la CDT, en ce qui concerne les attributions de la Monarchie. Ces déclarations se sont soldées par un procès intenté à l'encontre de ce dirigeant, qui fut libéré avant l'expiration de ses deux années de prison ferme. Mais là où la situation est devenue critique et irréversible c'est lorsque la direction de la CDT a commencé à vouloir s'ériger en tant qu'interlocuteur politique incontournable, mais nuisible à l'action de l'USFP, comme en 1994, à l'occasion des négociations autour du gouvernement et en 1997 lors du Congrès de la CDT, lorsque le ministre de l'Intérieur a été convié à prendre la parole, alors que M. Youssoufi a été acculé au silence. Enfin, avec l'avènement du gouvernement d'alternance, la coexistence entre les deux parties est devenue quasiment impossible. Aujourd'hui, elle relève désormais du passé. Un communiqué de la Commission partisane de l'action syndicale appartenant à l'USFP fait état de l'organisation «dans les plus brefs délais d'un colloque national» pour arrêter les fondements de l'action syndicale démocratique et appelle, à cet effet, l'ensemble des potentialités et énergies appartenant à tous les syndicats et secteurs à soutenir l'initiative du redressement et de la rénovation syndicale». Comme ce fut le cas dans les années soixante-dix. L'histoire se répète, mais dans un contexte nouveau.