Les tractations politiques, en vue de la formation du Cabinet Jettou, entament la dernière ligne droite. Trois des quatre «grands» partis seront (ou ont été) en conclave. Mais les décisions qui seront prises n'infléchiraient pas les choix du nouveau Premier ministre. Au risque d'anticiper et de porter préjudice à la souveraineté des instances décisionnelles des partis politiques, tout porte à croire que l'USFP, le PI et le PJD manifesteraient clairement leur volonté de participer au futur gouvernement. Le parti d'Abderrahmane Youssoufi devait hier en début de soirée statuer sur cette question. Mais beaucoup d'indices poussent à penser que la balance penchera très largement vers une participation des ittihadis à l'Exécutif. D'abord, selon des voix autorisées, l'USFP aurait exclu totalement de choisir l'opposition, de manière délibérée. Le parti ne voudrait pas se mettre «en opposition avec le nouveau règne», surtout que la volonté royale est d'entamer une marche forcée en matière de réformes. Et « le peuple ne pourrait attendre cinq années pour se donner la mesure des dégâts qui pourraient être causés, sans la présence du parti ». Ensuite, il y a la loi de Finances 2003, élaborée par le gouvernement sortant et par rapport à laquelle l'USFP ne pourrait pas manifester d'opposition. Il s'agit donc d'une vision qui s'inscrit dans le cadre du réalisme politique et de la nécessité de contribuer, dans une position de manager, à une politique résolument de gauche. Cette détermination pourrait être assortie d'une « exigence légitime». L'USFP ne pourrait pas participer à une coalition gouvernementale sans ses alliés de gauche (PPS-PSD et FFD). Une «condition» qui pourrait s'expliquer par le fait que l'ancien poids lourd du gouvernement Youssoufi ne voudrait pas se voir ou se sentir encore plus petit au sein du Cabinet Jettou. Pour cela, l'USFP pourrait être amené à accepter l'application partielle de la proportionnelle aux partis majors. Car, il serait exclu que le Parti de l'Istiqlal puisse accepter que l'Ittihad aie une part plus grande que lui au gouvernement. Car deux seules certitudes peuvent être avancées. Le nouveau Premier ministre, avec les résultats du 27 septembre, est indépendant des désirs des uns et des autres. Il peut fixer le quota qu'il jugera à chaque parti appelé à participer au gouvernement. M. Jettou a un grand atout : il a l'embarras du choix, en matière de majorité gouvernementale. La reconduction de la majorité sortante, l'élargissement de cette alliance au PJD et le remplacement de l'Istiqlal soit par les autres segments de la Haraka ou par le PJD. La majorité sortante totalise pas moins de 186 élus (sans compter les transfuges). C'est la solution qui restera comme l'épée de Damoclès, en cas de surenchères ou de blocages. Le MP de Mohand Laenser pourrait conforter l'assise parlementaire du gouvernement Jettou. Et puis, il faudra débloquer l'intelligence et tenter d'impliquer le PJD. Mais ce serait un Exécutif trop dispersé, avec près de dix partis, et qui n'aurait pas, en face, une opposition conséquente. Un contre-poids au gouvernement semble indispensable. Mais le retard pris par le PJD à se prononcer sur sa participation ou non semble, de l'avis des observateurs, destiné à l'USFP pour qu'elle se détermine vite. Car il n'y aurait pas de débat au Comité central de jeudi. Les intervenants n'auraient qu'un temps très limité (quelques minutes). Tirant les enseignements du gouvernement Youssoufi II, M. Jettou éviterait d'associer «la famille islamiste», le PI et le PJD, dans l'Exécutif. Cette alliance pourrait paralyser l'action gouvernementale beaucoup plus que durant la période de l'alternance. De plus, cette formule suppose que l'USFP puisse avoir ses alliés de gauche au gouvernement.