Le professeur Mohamed Moatassim a côtoyé de près Abdelatif Filali et Driss Basri. Il estime que les cursus diamétralement opposés des deux hommes expliquent pourquoi l'un respecte l'obligation de réserve et pas l'autre. ALM : Comment se fait-il qu'Abdelatif Filali ait respecté le devoir de réserve après son départ du gouvernement et pas Driss Basri? Mohamed Moatassim : En fait, l'explication se trouve au sein même des itinéraires respectifs des deux hommes. Tout le monde sait qu'Abdelatif Filali a été éduqué dans le sérail. Il a été un camarade de promotion de Feu Hassan II, dans le collège royal. Je pense que cela a énormément influencé sur son cursus et son tempérament. Je vous rappelle que j'étais secrétaire général du ministère de l'Enseignement supérieur au moment où Abdelatif Filali y occupait le poste de ministre. Je l'ai donc bien connu. J'ai pu constater, entre autres, que c'est un homme discret et réservé par tempérament et par éducation. D'ailleurs, lors d'une émission télévisée, il a expliqué cela en disant que ce n'est pas parce qu'on est Premier ministre et ministre des Affaires étrangères qu'on doit continuellement jouer au jeune premier. Et Driss Basri alors? Driss Basri, contrairement à Abdelatif Filali, est un autodidacte. Ils ont eu deux éducations différentes. Driss Basri n'a pas fait ses classes au collège royal mais à l'école de police. Il n'a intégré l'université que sur le tard. Force est de constater que le cursus de police n'a pas inculqué à Driss Basri les grandes vertus comme le respect de la parole donnée ou le respect du sentiment national. Le ministère de l'Intérieur et celui des Affaires étrangères sont très différents. Pensez-vous que les postes de responsabilité ont fini par forger les caractères de l'un et l'autre? Non, je pense que le problème est plus profond. Prenez Driss Basri par exemple. Je l'ai côtoyé pendant six ans au moment où j'étais président de la commission de l'Intérieur et des Collectivités locales au Parlement. Il est évident que Basri a été responsabilisé avant qu'il soit véritablement prêt. Il a débarqué au ministère de l'Intérieur au lendemain du coup d'Etat de 1972, en tant que directeur des affaires générales. A l'époque, le Maroc était bouleversé et le ministère de l'Intérieur quasiment vide. Même les ministres de l'époque ne faisaient pas le poids. Résultat : grâce à sa capacité de travail et sa mobilisation permanente, Basri a réussi à occuper cet espace vide. Jusqu'où peut aller, selon vous, l'obligation de réserve ? Je pense qu'à partir d'un certain degré de responsabilité, c'est-à-dire comme membre du gouvernement, secrétaire général d'un ministère ou gouverneur, il faut être suffisamment honnête pour ne pas utiliser, à des fins purement personnelles, les informations qu'on a amassées lors de l'exercice de sa fonction. L'obligation de réserve est une éthique qui va au-delà des aspects juridiques. C'est tout simplement ne pas étaler les secrets de l'Etat sur la place publique et encore moins les utiliser pour porter atteinte à son C'est justement ce que Driss Basri est en train de faire ? Driss Basri a fait preuve d'incapacité de garder un secret professionnel, de se maîtriser dans des situations difficiles et d'accepter son éloignement du pouvoir. En fait, il a commis une double faute. D'une part, il a tenu le même langage que les adversaires de l'intégrité territoriale du Maroc et d'autre part il n'a pas fait preuve de discrétion au sujet des discussions qu'il a eues avec les responsables du polisario au moment où il était au gouvernement. Comment avez-vous réagi aux dernières déclarations de Driss Basri dans la presse? J'ai personnellement été scandalisé par certains de ses propos qui violent non seulement cette obligation de réserve, mais qui sont également outrageux au sentiment national et à la mémoire des martyrs morts pour défendre l'intégrité territoriale du Maroc. Pourtant, Driss Basri était sorti par la grande porte. Il a été décoré par SM Mohammed VI du grand cordon Alaouite. Au lieu d'aider son pays en organisant des conférences ou en contibuant par des écrits, il s'est fourvoyé dès qu'il a commencé à épouser les thèses séparatistes. Pour revenir à ses propos, je tiens à préciser qu'il a commis plusieurs erreurs d'ordre historique. Basri a dit que le problème du Sahara a démarré en 1967. C'est faux. La question du Sahara a été soulevée pour la première fois en 1961 au sein du comité de libération de l'ONU.