La santé du dirigeant du mouvement Al Adl Wal Ihssane, Abdessalam Yassine, s'est gravement détériorée ces derniers jours. Cette situation a déclenché une guerre de succession qui oppose l'ancienne garde conservatrice au courant des jeunes. L'état de santé du chef de file du mouvement islamiste Al Adl Wal Ihssane (Justice et Bienfaisance) s'est détérioré ces derniers jours. L'information, que l'entourage du cheikh se refuse de confirmer, fait pourtant le tour des sections du mouvement où elle est murmurée à oreille des militants accompagnée d'un mot d'ordre insistant sur la discrétion totale. Certains affirment qu'il s'agit d'une préparation des bases au débat sur la succession. Des sources proches du mouvement affirment qu'il s'agit même d'un sondage indirect que la direction serait en train de sonder les militants dans la perspective d'une consultation générale sur la succession. En tout cas, ce qui est sûr que la guerre de la succession est ouverte et que ceux qui aspirent à occuper le poste du cheikh ont d'ores et déjà commencé les contacts et les négociations nécessaires pour rassembler une majorité qui leur garantirait la nomination. Une mission qui s'avère très difficile pour ceux qui ont décidé de s'embarquer dans l'aventure. La succession du cheikh ne va pas être facile, affirment les connaisseurs, qui justifient ce jugement par le fait que cette question est liée à plusieurs aléas, dont la position qui serait adoptée par les bases, la situation politique nationale et la conjoncture mondiale. Outre ces aléas extérieurs, la position, le poids et l'influence des candidats à ce poste interviennent aussi comme un élément très important au moment d'analyser toutes les possibilités. En fait, la liste est longue. La question de la succession n'étant pas réglée par les statuts du mouvement, la candidature est théoriquement ouverte à tous ceux qui voudraient postuler pour le leadership d'Al Adl Wal Ihssane. Il faut aussi signaler que le Cheikh n'a pas désigné de successeur et n'a pas de dauphin. Certes, certaines rumeurs parlent d'un testament où le dirigeant et fondateur de la Jamaâ aurait désigné la personne qui devrait lui succéder, mais, cette information n'a jamais pu être vérifiée auprès du cheikh ou de ses proches collaborateurs. Mais des noms sont cités à chaque fois qu'il est question de succession à la tête d'Al Adl Wal Ihssane. Il s'agit notamment de Abdelwahed Moutawakkil, Mohamed Abbadi, Abdellah Chibani et Mohamed Ali Souleïmani. S'agissant de la garde rapprochée du cheikh, il est fort possible que le successeur soit l'un de ces quatre membres influents de la direction du mouvement. Forts de leur position actuelle au sein du mouvement, les quatre peuvent aspirer à accéder un jour au poste. Cependant, deux autres noms sont de plus en plus cités pour assurer la succession du cheikh et ce malgré le fait qu'ils n'occupent des postes d'avant-garde dans la direction de la Jamaâ. Il s'agit de Fathallah Arsalane et Nadia Yassine. Les deux se sont distingués, ces dernières années, par leur labeur dans le domaine de la communication et de l'ouverture d'Al Adl Wal Ihssane sur les médias nationaux et étrangers. Les deux assument d'ailleurs officiellement la responsabilité de communiquer au nom du mouvement et de son dirigeant. Le premier est porte-parole officiel de la Jamaâ alors que la deuxième a été officiellement investie de la mission de parler au nom de son père. Ils ont donc les artisans de la politique de communication du mouvement. Pour ce qui est de Fathallah Arsalane, il représente le courant des jeunes et incarne la nouvelle génération des militants qui aspirent à donner une nouvelle impulsion au rôle de la Jamaâ sur l'échiquier politique national. Ceux qui le connaissent de près affirment qu'il est l'un des défenseurs de l'idée de mettre un terme à l'auto-exclusion du mouvement du champ politique national et qu'il prône une politique basée sur le débat avec les pouvoirs publics et ce malgré le fait que ses déclarations officielles ne reflètent nullement ses propres pensées. C'est tout à fait normal étant donné qu'il est le porte-parole du mouvement et que ses déclarations doivent impérativement refléter les positions adoptées par le Conseil de l'orientation (Majliss Al Irchad), expliquent les connaisseurs du mouvement. S'agissant de Nadia Yassine, elle est la personne la plus proche du cheikh. Car, outre le fait qu'elle soit sa fille, elle représente la personne qui le connaît le plus et qui a su s'imprégner de sa pensée au point que même ceux qui ont côtoyé le cheikh depuis la création du mouvement lui reconnaissent cette qualité. Mais, la fille du cheikh a une autre qualité qui pourrait jouer en sa faveur. Sa capacité communicative, le charme qu'elle dégage et qui laisse un impact très fort sur tous ceux qui ont eu l'occasion de la connaître de près constituent sa force. Multipliant les entretiens avec les médias occidentaux, elle a réussi à donner une image différente de la femme militant dans le cadre d'un mouvement islamiste. Ceux qui défendent sa candidature affirment qu'elle est la personne idéale pour diriger la Jamaâ et ce pour deux raisons. D'abord, elle tient un discours modéré par rapport aux ténors du mouvement en ce qui concerne la situation nationale actuellement. Ses déclarations au lendemain de l'adoption du nouveau code de la famille où elle a salué les réformes ont fait le tour du monde. D'un autre côté, dans la conjoncture internationale actuelle, sa candidature pourrait donner une nouvelle image du mouvement d'Al Adl Wal Ihssane et lui permettre un meilleur accueil en occident. Ainsi, la succession du cheik Abdessalam Yassine dépasse le cadre interne de la Jamaâ et le choix sera certainement influencé par les enjeux politiques nationaux et la conjoncture internationale.